Maroc

Novembre 1989

Itinéraire en pointillés (cliquer pour agrandir)
Itinéraire en pointillés (cliquer pour agrandir)

Photos en attente d'être mises en ligne



Ce voyage était un rêve. Je crois que j'en parlais depuis environ 10 ans, mais ce n'était que des paroles. J'avais réussi à "m'échapper" seul pendant 3 semaines en Angleterre, en sac à dos, il y a de cela 7 ou 8 ans.

Nos vacances en famille prenaient souvent la forme du voyage avec la découverte d'une région de France ou un pays voisin. Quelquefois, les enfants auraient aimé passer plus de temps sur une plage et faire moins de km. J'ai certainement été un peu à l'origine, tout au moins poussé dans le sens de vacances-voyages ou vacances découvertes. Je ne me voyais pas, et encore moins aujourd'hui, séjourner un mois comme le font beaucoup de Français, à lézarder sur une plage.

Le dernier mois avant mon départ se déroule à Londres où je continue d'apprendre l'anglais, chose indispensable si l'on veut communiquer un minimum pendant le voyage.

La durée de ce périple n'est pas définie – je n'en sais rien moi-même – je me contente d'annoncer un minimum de 6 mois.

 

Dimanche 19/11/89 : je passe ma dernière journée à Londres avec Katell, ma fille, qui séjourne dans une famille anglaise à une heure de train environ. Derniers préparatifs pour charger le sac à dos - j'emmène ceci, je n'emmène pas cela - il faut faire des choix – difficile souvent – mais personne d'autre ne portera à ma place. Je pèse juste avant le départ et mon sac arrive quand même à 23 kg, plus un petit sac de 5 kg environ pour la nourriture et le nécessaire de voyage en car Londres-Maroc. Je choisi la formule du bus par rapport à l'avion, d'une part parce qu'elle est plus économique, mais aussi pour parler anglais avec mes voisins puisque, en partant de Londres, il devrait y avoir une majorité d'Anglais. Eh bien, la réalité est tout autre - de Londres à Paris nous sommes 95 % de Français, dans un car français.

Arrivé à Douvres (Dover), le chauffeur nous informe qu'il ne sait pas quand nous allons embarquer et où nous accosterons de l'autre côté. Une grève dans le port de Dieppe et il va falloir choisir la première place libre dans un bateau. Cela peut être destination France ou Belgique. Après 1 h 30 d'attente notre chauffeur obtient une place sur un bateau pour Boulogne en France. C'est un grand soulagement pour tous dans le car.

Nous arrivons à Paris à 6 h 30 du matin (20/11/89) et je dois attendre jusqu'à midi pour le départ vers le Maroc. Ce sera un autre car – rien à voir avec le premier – il fait Paris-Rabat non stop. Dans le car, sur 40 personnes nous sommes 3 français et 37 marocains. C'est bien loin de ce que j'avais imaginé avant mon départ de Londres. Les marocains rentrent chez eux chargés comme on peut l'imaginer. Une famille bat tous les records avec près de 500 kg de paquets. Il y a même un vieux frigo dans les soutes du car. Enfin, après une bousculade pour prendre les places – normal au Maroc – nous prenons la route, destination Rabat. 3 chauffeurs et le car roule 24 h /24 h avec des arrêts tous les 300 km pour manger ou faire ses petits besoins primaires. Moi qui pisse toutes les heures, j'ai intérêt à limiter la boisson pendant le voyage. Mais je n'ai eu aucun problème de ce côté.

On m'avait dit quand j'ai réservé ma place à Londres que ce devait être un car couchette avec toilette (WC) à l'intérieur. Mais je suis assis dans un car sans aucune commodité de ce genre, nous pouvons juste incliner un peu notre siège. Il était interdit de monter de la nourriture à l'intérieur, tout doit être dans les soutes. Et c'est beaucoup mieux ainsi car la grande majorité des marocains emmène la totalité de la nourriture pour tout le voyage, ils n'achètent rien en route. Je fais la même chose à Paris sur leurs conseils.

Je suis assis à côté d'un médecin marocain qui fait régulièrement des stages de perfectionnement à Paris. Dommage qu'il ne parle pas beaucoup car il est intéressant.

 

Un petit problème dans ce type de voyage, les pieds gonflent la nuit et on est obligé d'enlever ses chaussures – et on a ensuite beaucoup de mal à les remettre. Une famille marocaine me l'avait dit au départ, mais je ne pensais pas que cela pouvait être aussi important.

Au final, ce voyage aura duré pour moi 2 jours et 3 nuits, du dimanche soir 9 h au mercredi matin 6 h. J'ai pris le rythme relativement facilement. J'étais bien préparé dans ma tête et je m'attends à vivre des moments beaucoup plus éprouvant.

 

Aux douanes, tous les passeports marocains sont vérifiés minutieusement alors que ceux des français ne sont même pas ouverts. A l'arrivée à Tanger (entrée du Maroc) tout le car est vidé, chacun prend avec lui ses propres bagages et passe la douane. Pour les Français, les douaniers n'ouvrent même pas les sacs, mais cela fait mal au cœur de voir comment ils ouvrent les caisses en carton des autres. Ils sont obligés de rafistoler leurs caisses comme ils peuvent avec de la ficelle, c'est pitoyable. Le douanier fait la pluie ou le beau temps et je soupçonne qu'il en profite bien pour arrondir ses fins de mois.

Pendant ce voyage, j'ai sympathisé avec plusieurs Marocains, ce qui m'a permis de passer les 3 nuits de mon séjour à Rabat chez l'un d'eux (Abdel) dans la banlieue.

J'avais prévu récupérer 2 visas que je n'avais pu obtenir à Londres, pour l'entrée au Soudan et au Tchad. L'ambassade du Soudan à Londres me demandait un délai de 3 semaines alors que la plupart des ambassades vous le procure en 24 ou 48 h. Pas de chance, c'est le même délai au Maroc, mais comme je le demande dès mon arrivée sur le territoire, cela me permet de visiter le pays en attendant.

A l'ambassade du Soudan à Rabat, il est probable qu'ils ne reçoivent pas beaucoup de visiteurs car je suis reçu par Monsieur de Consul en personne et j'ai droit au thé dans son bureau. Il semble intéressé par mon projet de voyage. Peut être aussi que le papier que je lui présente, avec entête de la mairie d'Athée et cachet "république française", expliquant le but de ce voyage – découverte et reportage sur des pays lointains de la France – fait un certain effet sur ce personnage. C'est la première fois que j'utilise mon anglais … c'est très utile, mais …. Comme le marque certains professeurs sur les cahiers de correspondance des élèves, j'ai une marge de progression importante.

Quant au visa pour le Tchad, je vais être obligé de remonter jusqu'à Alger pour l'obtenir.

 

Mon itinéraire de départ est : la visite du Maroc, l'Algérie, traverser le Sahara en direction du Niger, le Tchad, le Soudan, descendre le Nil et aller en Israël pour travailler dans un Kibboutz quelques semaines. Il ne faut pas prendre ce projet à la lettre, ce n'est qu'une prévision qui est susceptible de modifications en fonction des visas que je pourrais obtenir ou non, des rencontres que je ferais tout au long du trajet, des difficultés qui m'obligeront à changer de route, etc., etc.

Dans certains pays on peut se permettre d'aller à la frontière pour essayer d'obtenir un visa, et quand ce n'est pas possible on rebrousse son chemin et on fait un petit détour. Mais pour le Soudan et le Tchad, régions plutôt désertiques, je ne peux pas me permettre de partir sans visas.

Au Maroc et dans de nombreux pays arabes il parait que je ressemble un peu aux gens du pays. Je me dis que ça peut être un avantage, mais il me manque la langue du pays.

 

Hier soir (23/11/89), grosse discussion sur l'Islam avec un copain d'Abdel, 26 ans, et qui est plutôt fanatique. Ses propos : "l'islam est la religion la plus pure ! Aucun islamique ne se convertit à une autre religion alors que l'inverse existe ! C'est une façon de vivre, de gouverner un pays. Dans une famille islamique "pure", si une personne ne veut plus dire sa prière, les autres lui demandent de revenir dans le droit chemin et il le fait. Il n'a pas le choix. C'est une pression si forte du milieu qu'il se remet à la prière sans aucune menace de sanction". À méditer.

 

Coût de la vie au Maroc (novembre 89)

La monnaie est le dirham : 1 D = 0,76 F = 0,11 €

Ticket de bus à Rabat = 2,20 D, lait en boite ½ litre = 2 D, un pain rond = 1,40 D, une soupe au restaurant = 1,40 D, un repas (soupe + 6 brochettes + pain + thé à la menthe) = 12 D, trajet en train Rabat – Marrakech en 4 ème classe = 42 D, viande = 30 D/kg, clémentines = 2 à 3 D/kg, un œuf dur = 1 D, cigarette au détail = 1 D/unité.

 

Rencontre en attendant le train à Rabat.

Un jeune homme m'accoste à la gare et engage la conversation. Je suis sur ma réserve - soupçonnant quelque chose à vendre. Il s'appelle Moustafa et est instituteur depuis 4 ans dans un petit village du sud, près de Goulimine. Il me raconte sa vie. Goulimine est une ville habitée "d'hommes bleus", les gens du désert, où se déroule un marché aux chameaux tous les samedis. Une partie de son salaire va pour payer les études de ses 3 sœurs. Nous passons 3/4 d'heure à la terrasse d'un café et il finit par m'inviter à passer une semaine chez lui ! Méfiant, je ne promets pas, mais c'est à la porte du désert et … c'est quand même bougrement alléchant.

Pour ce type de rencontre, je dois jouer la carte sécurité et j'envisage glisser rapidement dans la conversation que j'envoie régulièrement des écrits à ma femme avec les adresses où je passe pour que ma famille puisse suivre mon itinéraire. On ne sait jamais, cela peut désamorcer quelques mauvaises intentions.

 

Dans le car Paris-Rabat, il y avait un Pakistanais avec un passeport français. Il avait été marié avec une Française pendant 3 ans, puis divorcé. Cela sentait le mariage de complaisance, ou mariage blanc à plein nez, car il ne parlait que très peu le Français. Du Maroc, il repartait pour le Canada avec toutes ses économies en espèce sur lui. Il parait que les Marocains font la même chose quand ils reviennent dans leur pays. Je me demande quelle somme d'argent le car Paris-Rabat pouvait bien transporter ?

 

L'islam

Les valeurs sont les mêmes que pour la religion catholique - des valeurs humaines telles que la justice, la fidélité, l'égalité, solidarité, l'honnêteté, etc. Le paradis existe ainsi que l'enfer (un très grand feu), mais ils rient quand je leur parle du purgatoire. Ils me parlent des très grands hommes qui se sont convertis à l'islam dont le commandant Cousteau. En fait, cette information colportée par tous ici s'est avérée fausse, mais je l'ai gobée comme beaucoup l'auraient fait.

Pour eux, on fait toujours l'amalgame entre les pays arabes et les pays musulmans. Tous les arabes ne sont pas musulmans et il y a beaucoup de musulmans dans le monde qui ne sont pas arabes. C'est un peu comme si l'on parlait des pays catholiques ou protestants.

"Les femmes doivent rester voilées, c'est la pureté. C'est écrit dans le coran – et on ne discute pas ce qui est écrit."

Ils sont en colère avec la France qui refuse le port du voile à l'école. Je dois rester très neutre sur ce point pour ne pas les heurter.

"Le vrai musulman est quelqu'un en qui on peut avoir toute confiance, ce n'est pas l'argent qui l'intéresse, c'est son Dieu". Je crois que c'est vrai pour les personnes que j'ai rencontrées. L'un d'entre eux me dit qu'il serait content si je me convertissais à l'islam. Je lui explique que si dans tous les pays où je passerais tout le monde voulait me convertir à leur propre religion, ce serait difficile pour moi. Mais après avoir découvert toutes les religions du monde je pourrais peut être choisir la meilleure.

 

Le palais présidentiel à Rabat : c'est une des aberrations des pays pauvres. Je l'ai seulement vu en photos car on ne peut pas le visiter. Les Marocains disent qu'il faut une voiture pour le visiter tellement il est immense. Ils le comparent au château de Versailles.

Le Maroc a un régime royaliste, où le roi (Hassan 2) a tous les pouvoirs. Tout le monde l'aime (!) - ou du moins font semblant de l'aimer. Il a sa photo dans la plupart des magasins, comme nous le président de la république dans les mairies. Il est interdit de dire du mal du roi.

Je visite une exposition de photos sur le roi et sa famille à Rabat avec Abdel qui m'hébergeait, et je lui fais remarquer que l'ainée de ses filles était un peu "empâtée". Je n'ai pas eu de réponse et après, dans la rue il me dit : "tu vois, je ne pouvais pas te répondre car il y avait trop de monde autour de nous et on ne sait jamais, il peut y avoir des policiers en civil dans la foule".

Mais ceci dit, même ses opposants reconnaissent qu'il est très intelligent et qu'il gouverne bien. Pour le Maroc, ce régime royaliste, s'il n'est pas parfait est peut être préférable à un régime démocratique où ce serait la pagaille (réflexion de marocains). Mais l'après Hassan les inquiète.

Dans le train qui m'emmène de Rabat à Marrakech, je choisis la 4 ème classe pour voyager avec "le peuple". Ce sont de vieux wagons avec des sièges tout en bois, sans coussins, mais on y est pas trop mal quand même. Les gens sont sympas. Pour les repas c'est le "buffet ambulant marocain". Des adultes ou enfants de 10 ans passent avec boissons chaudes (thé), œufs durs tout chauds, gâteaux faits maison,… tout est bon et pas cher (pour moi !).

Près de moi, deux jeunes marocains - nous essayons d'engager la conversation - c'est difficile car ils ne parlent pas français, mais par contre un peu l'espagnol. Malgré tout on peut échanger un peu et ils finissent par m'inviter à passer la nuit chez eux. Après un petit moment d'hésitation, j'accepte de leur faire confiance. Dans la maison, il y a 7 ou 8 autres personnes dont deux femmes. Ils sont tous originaires de l'extrême sud du Maroc, région où on appelle les gens les "saharaouis". J'ai droit aux coutumes locales, thé sur feu dans le milieu de la pièce (genre chaufferette avec braises) - un thé très fort que l'on boit 3 fois issu de la même théière. Le repas du soir est composé de riz cuit très collant mélangé avec du lait froid.

On enlève ses chaussures pour entrer dans la pièce et on s'assoit sur des matelas hauts et étroits qui servent de siège …et de lit. Un tapis au milieu de la pièce avec une petite table basse qui sert à déposer les verres et la théière - pas de chaises. Deux ou trois personnes dans le groupe parlent un peu le français, ce qui permet un échange toute la soirée ainsi que le lendemain. Les femmes sont très effacées et ne parlent à un homme étranger que le strict minimum pour être polies. Le sud était autrefois sous la dépendance le l'Espagne ce qui explique qu'ils parlent beaucoup plus l'espagnol que le français. Le lendemain matin nous prenons le petit déjeuner ensemble. Au menu, pain du pays avec une part de vache qui rit, lait froid dans une casserole où tout le monde boit "à la tournée", et bien sûr le thé. Le lait a un goût de caillé mais cela doit être normal car personne ne fait de réflexion.

 

Marrakech : visite de la médina. Un vrai labyrinthe où j'ai failli ne pas retrouver la sortie. Beaucoup de touristes prennent un guide - je préfère être libre de mon temps et visiter ce que je veux. Tout est "tire-sous", mais je n'ai besoin de rien et il est hors de question d'acheter pour me charger. Il est dit que Marrakech tire 50 % de ses ressources du tourisme. Je m'attarde dans une partie un peu à l'écart réservée aux artisans qui fabriquent des objets. Ils sont très adroits de leurs mains et fabriquent un tour à bois avec presque rien, 2 pointes qui serrent un morceau de bois, un bâton avec une ficelle pour le faire tourner d'une main et le ciseau à bois dans l'autre main guidé avec le pied. Des pièces de jeu d'échec sont fabriquées en un rien de temps. Dans un autre atelier on travaille le cuir (un dimanche), où une dizaine d'enfants travaillent à la chaine. Une façon comme une autre de passer ses dimanches !

 

La médina est en principe la vieille ville. On en trouve dans toutes les grandes villes du pays. Elles sont entourées de murailles qui servaient autrefois de fortifications. Aucun prix n'est affiché et quand on vous annonce le tarif il faut au moins diviser par deux pour ne pas se faire avoir. A cette saison, il n'y a pas beaucoup de touriste et une personne seule qui n'est pas habituée à ce milieu très spécial rebrousserait facilement son chemin.

Sorti de cette médina, je vais visiter le vrai marché des marocains qui se trouve à l'écart. C'est un autre monde, on voit la vraie vie des pauvres gens - pas question de sortir l'appareil photo. En sortant, je n'ai plus faim tellement c'est sale.

 

Marrakech-Agadir par le car : (coût 45 D)

Les jeunes qui mettent les bagages dans la soute ou sur la galerie réclament 5 D aux étrangers et rien aux marocains. Je refuse au risque que mon sac reste à terre, mais 2 Malaisiens ont payé les 10 D réclamés. Les pauvres, ils ne parlent pas un mot de français. Je réussis à leur faire récupérer 5 D.

Entre chaque ville, nous sommes arrêtés par au moins un barrage de police. Au premier barrage les marocains sont contrôlés mais les étrangers ne sont pas inquiétés. Par la suite c'est plutôt l'inverse qui se passe. On nous dit qu'ils contrôlent pour la drogue, surtout depuis les combats contre le Polisario (marocains du sud qui combattent pour un Sahara indépendant). Il n'y a plus de guerre mais de temps en temps des attaques de commandos qui viennent de l'Algérie.

 

Camping à Agadir : (9,50 D par nuit)

C'est bondé, avec 80 % de retraités venant d'Europe. La plupart viennent passer les mois d'hiver ici. Il fait doux, 20 ° en moyenne tout l'hiver, et la vie est beaucoup moins chère que chez nous. La plage qui ressemble à celle de la Baule est presque déserte. La ville vit du tourisme mais n'apporte rien pour celui qui veut découvrir le Maroc. Des hôtels 4 ou 5 étoiles donnent directement sur la plage – 450 D par personne pour une nuit. Des gâteaux vendus 4 D pour les étrangers sont vendus à 1 D dans les ruelles en retrait pour les marocains. Un tour à dos de dromadaire coûte 100 D de l'heure, etc. - tout ce côté touristique ne m'intéresse pas vraiment.

Agadir a été entièrement détruit par un tremblement de terre en 1960 et reconstruit depuis. Il y a eu environ 15 000 morts. On peut visiter les ruines d'un petit village sur une montagne voisine. Je fais de l'escalade pour y arriver et y découvre "la vrai vie" marocaine. Je décide de rester un jour de plus à Agadir pour retourner dans ce village. Départ vers 11 h du matin et rencontre en chemin d'un homme qui revient du port avec des poissons et du pain. Je me retrouve invité chez lui à boire le thé et….. à manger le poisson et le pain. Le plat est posé au milieu de la table et chacun pioche dedans avec sa main. Pourquoi s'encombrer de couverts alors que l'on est né avec la fourchette d'Adam !

Je repars pour visiter le village, après m'avoir fait promette de repasser par la maison à mon retour. En chemin – rencontre d'une petite fille de 10 ans environ qui garde ses chèvres. Elle passe son temps à fabriquer des poupées sans tête avec du bois et un bout de chiffon. Je la quitte avec un exemplaire en souvenir, en espérant qu'elle arrivera en bon état en Mayenne.

En entrant dans le village, je ressens une certaine méfiance des gens, et progressivement, le comportement change, jusqu'à me faire inviter à prendre le thé à nouveau, suivi une heure plus tard par un repas composé d'un plat de lentilles. Dans ce village, pas d'école proprement dite, juste l'école coranique où les enfants de 4 à 7 ans apprennent le coran. L'enseignement est assuré par un "Fqué" (pas certain de l'écriture), un homme plus ou moins religieux qui a appris le coran. Il fait partie des "notables" du village, un peu comme les prêtres chez nous. A partir de 7 ans les enfants vont à l'école primaire à pied à la ville voisine. Le système scolaire est calqué sur celui de la France avec le bac vers 19 ans. Je suppose que bon nombre d'enfants s'arrêtent bien avant.

Je repasse par la première maison comme je l'avais promis et où le thé et le repas m'attendaient à nouveau. Ils n'ont rien ou presque et partagent tout. Je crois que c'est général dans le monde, moins on possède et plus on partage et plus on est riche, plus on garde cette richesse pour soi. La rareté des occasions de rencontrer un étranger et d'avoir l'honneur de l'inviter chez soi fait souvent que l'on en fait beaucoup plus, car dans les cas présents, ma grande satisfaction d'être invité était certainement 10 fois moindre que la leur.

Je m'arrête d'écrire ici car je suis en ce moment dans la montagne et il fait 12° dehors. J'ai les doigts tout blancs et beaucoup de mal à écrire.

 

Retour au camping. Un énorme camping-car est installé au raz de ma tente. Des retraités allemands veulent ma place et me demandent de partir ! Un ami à eux vient pour m'expliquer en français et me dit : "vous savez, ils viennent tous les ans passer 3 ou 4 mois ici dans ce camping et les anciens pensent qu'ils ont maintenant quelques droits sur le choix de la place. Ils installent une palissade, gravillonnent l'endroit, veulent être près des sanitaires, etc.". Pour ne pas avoir de problèmes j'accepte de déplacer ma tente car je les crois bien capable d'aller trouver le responsable du camping, qui, avec un peu de dessous de table, peut me supplier de laisser la place. Ce pouvoir du mark allemand me fait un peu mal.

 

Agadir-Goulimine :

Départ du camping à 4 h 30 pour prendre le bus – arrivé à Goulimine à 11 h après de multiples arrêts pour boire, manger, faire des achats… A Goulimine j'attends 3 h 30 avant que le taxi "de groupe" ne parte pour le petit village de Abaeno à 15 km environ. Ces grands taxis sont des 404, 504, mercedes ou autres voitures familiales et ne partent que lorsqu'ils sont complets (6 passagers en général). Le taxi tombe en panne à moitié chemin - sans doute la pompe à gasoil. Pas de panique, le chauffeur arrête la première voiture où nous embarquons pour finir le trajet.

Mon arrivée à 11 heures est une heure d'activité réduite. En raison de la chaleur importante, c'est plutôt la période du repas et de la sieste. Mon thermomètre en plein soleil sur mon banc annonce 51°, c'est déjà pas mal et je comprends le peu d'animation dans les rues.

 

Rencontre avec Moustafa que j'avais rencontré à mon départ de Rabat. Il travaille comme instituteur mais n'est pas vraiment satisfait. Son salaire est de 2000 D par mois (1520 F ou 230 €) avec aucun espoir de promotion. Ils ne peuvent pas revendiquer, les manifestations sont strictement interdites, c'est la prison qui les attend. La seule solution pour beaucoup d'entre eux est d'obtenir un visa pour un pays Européen ou d'Amérique et d'y trouver du travail. Mais il y a beaucoup de barrières pour un visa telles que posséder une somme d'argent importante sur son compte bancaire, un certificat de travail au Maroc, une adresse d'hébergement dans le pays visité, motiver et justifier leur voyage….. Ils résolvaient le problème d'argent sur un compte bancaire en rassemblant toutes les économies d'une famille élargie et des amis pour le temps d'obtention des papiers, mais cette pratique est de plus en plus difficile.

Pour ce qui est des adresses d'hébergement, je suis souvent sollicité et je refuse toujours, ne laissant aucun espoir.

Les classes que je visite contiennent de 40 à 45 élèves……plaignez vous les Français !

Ce petit village, sans eau ni électricité est un genre d'oasis avec une centaine de familles. Personne ne sait exactement combien il y a d'habitants. Il possède une source chaude pour les bains (2,50 D). Cette eau à la particularité de soigner les maladies de peau et les rhumatismes. De nombreux touristes viennent prendre des bains, comme chez nous les curistes, mais il n'y a presque personne à cette saison.

Le soir, à la lueur d'une bougie, nous mangeons une tagine au lapin. La tagine est le nom du récipient, plat en terre avec un couvercle en forme de cloche, mais c'est aussi le nom de la recette à l'intérieur : viande de bœuf ou de mouton, oignons, huile, tomates, pomme de terre, carottes, etc., le tout cuit pendant au moins 2 heures à feu doux.

Après cette tagine, mangée à la main bien sûr, nous allons pour nous coucher mais des copains de Mustapha font la fête chez lui et ils semblent avoir absorbé une dose d'alcool importante. Il est 11 h 30 et nous essayons de réveiller le responsable du camping - sans résultat. Alors je propose de monter ma tente à l'extérieur du village et Mustapha m'arrête et me dit "non, il y a des loups qui rôdent la nuit autour des maisons"……. Petit frisson dans le dos – je ne m'attendais pas à cette réponse. Nous avons fini par prendre une chambre à l'hôtel à 60 D la nuit (sans eau ni électricité).

Le lendemain, c'est jour de vote – un référendum pour la prolongation de 2 ans du parlement marocain. Le parlement est élu pour 4 ans et le Roi a décidé de demander de le prolonger deux années de plus. Il semble très satisfait du parlement actuel et souhaite qu'il reste en place. Les parlementaires sont si bien payés qu'ils sont tous d'accord pour prolonger leur mandat. Tout le monde doit voter, c'est une obligation. Il n'y a pas de sanctions mais, si par la suite on a besoin de quelque chose, un regard sur les registres permet de savoir si on est un bon citoyen ou non. Le déroulement du vote est intéressant. Tout est en règle, il y a les bulletins, oui et non, l'isoloir et l'urne. Mais comme ce vote est une volonté du roi, on facilite la tâche du votant, on lui tend l'enveloppe avec le bulletin blanc (oui) et il a juste à déposer l'enveloppe dans l'urne. Mais on précise qu'il est libre de changer le bulletin et de passer par l'isoloir. Résultat : 99,98 % de oui !!

Pendant ce vote (jour férié) je prends mon bain chaud et sort faire une balade seul en montagne (avec les loups), une balade de 3 heures. J'y rencontre 2 jeunes de 15 ans environ qui gardent les moutons et les chèvres de 7-8 h le matin à 6 heures le soir, tous les jours et toute l'année. J'ai droit au thé qu'ils préparent sur le feu, puis à leur "collation", du pain d'orge que l'on trempe dans l'huile d'olive. C'est également leur petit déjeuner du matin, … un peu fade mais pas trop mauvais.

Les bergers ont toujours des chiens avec eux pour éloigner les loups qui pourraient s'approcher du troupeau. Ils comptent leurs moutons tous les soirs en rentrant et il arrive qu'il en manque. Quand c'est le cas (3 à 4 fois par an) ils repartent dans la montagne avec des lampes électriques. Le troupeau est composé de tous les moutons et chèvres du village et apparemment chacun reconnait son bien.

 

Samedi : marché aux dromadaires à Goulimine. Je suis déçu, je m'attends à en voir des centaines, mais il y en a au maximum 30. C'est aussi un marché aux bovins, moutons, chèvres et fruits et légumes. C'est là que s'approvisionnent tous les commerçants de la région. Les 2 pattes avant des animaux sont attachées ensembles pour éviter qu'ils ne se déplacent.

Les distractions du week-end sont quasiment nulles. La plupart des artisans et commerçants travaillent 7 jours sur 7. Ceux qui ne travaillent pas restent assis à ne rien faire, écoute la radio, marchent dans la rue, et les plus aisés prennent une boisson au café. Ne pas travailler est synonyme d'ennui, il n'y a pas de distractions et pas d'argent.

 

Mustapha achète un litre de vin "au noir" (35 D). Le vin et le porc sont interdits dans la religion musulmane. Il n'y a qu'un seul commerçant à Goulimine qui en vend, il est juif et est fermé le samedi et le dimanche (sa religion). Il a donc fallu acheter ce vin au noir.

 

Dimanche avec un Italien et deux Marocains nous partons pour visiter Sidi Ifni, un petit village typique espagnol à 60 km de Goulimine, sur la côte. Les agriculteurs travaillent avec les ânes et les bœufs pour labourer la terre. Quel décalage avec notre agriculture !

Après midi, retour à Goulimine où nous ingurgitons une tagine dans un restaurant pour Marocains – 25 D pour 4 personnes. Les touristes la paient 25 à 30 D par personne.

En rentrant le soir à la maison de mes hôtes, un homme intrigué de me voir depuis 3 jours avec eux demande à l'un d'entre eux : "qu'est ce que vous allez faire avec cet étranger ?". La réponse du Marocain à voix basse :"on va le voler". Il me dit après :"c'est lui retourner à la figure ce qu'il pense". Je ne suis pas vraiment inquiet mais je reste conscient que ce type de rencontre peut réserver des surprises.

 

Téléphoner d'ici pour la France est un sport. Il me faudra 5 essais pour obtenir le chalet à Athée. Je commence par trouver un téléphone chez un commerçant pour me faire appeler. Malheureusement, j'entends la France mais on ne m'entend pas. Ici, on ne peut pas se faire appeler dans une cabine. Idem pour le deuxième essai. J'essaie de la poste de Goulimine le lundi matin….. personne au chalet pour répondre. A Tafraout, pas de cabine, seulement un téléphone à la poste mais il faut passer par une opératrice à Agadir (la France, il y a 20 ans). Après une demi heure d'attente la sonnerie retentit au chalet, mais personne ne répond. Le mercredi midi, je réussis au bout d'une heure à parler à un Français, mais à Paris. Ce n'était pas le bon numéro ! après une demi-heure supplémentaire d'attente je peux enfin donner de mes nouvelles et en avoir de la famille. Ouf, il faut avoir beaucoup de patience.

 

Le rêve de beaucoup de Marocains est de venir en France. Les gens me demandent très souvent mon adresse sans qu'il y ait eu de rapport amical. Je me suis laissé faire une fois dans un car, mais maintenant je dis non en expliquant la raison. Je ne peux pas donner mon adresse tous les 5 mn et qu'ensuite ils l'utilisent pour n'importe quelle circonstance. Certains me disent "c'est quand j'irai en France, je passerai vous voir". Cela sous-entend je logerais quelques jours chez vous.

 

Lundi 4 décembre 89 : Départ de Goulimine pour Tafraout en deux temps, Goulimine-Tiznit en bus et Tiznit-Tafraout en grand taxi, qui n'est autre qu'une Land Rover où l'on monte à 8, puis jusqu'à 12 en cours de route. Les paysages sont magnifiques – de la montagne avec plein de petits villages dans les vallées – des oasis avec beaucoup de maisons rouge-terre. Les alluvions se sont accumulées depuis des siècles donnant une terre sableuse très profonde, parfois 2 m, et surtout très fertile. On y trouve souvent un oued (rivière) ce qui leur permet d'arroser par immersion. On les reconnait au loin par les dattiers qui recouvrent en partie les cultures. C'est la pleine saison des travaux des champs et des semailles. Les paysans attendent la pluie pour préparer le sol. Le problème de l'agriculture ici est que la terre absorbe peu et il se forme très vite des torrents qui ravinent la terre dans les champs.

 

Nuit du 6 au 7 décembre : Je suis dans un camping bien installé dans ma tente et la pluie n'arrête pas depuis des heures. Le gardien vient me réveiller au milieu de la nuit pour m'informer que ma tente baignait dans l'eau. J'en crois pas mes yeux et je suis obligé de sortir avec tous mes bagages et finir la nuit dans un local en dur. Je m'étais installé dans la partie basse du camping. J'aurais au moins vérifié que mon tapis de sol est bien imperméable. Le lendemain matin, j'apprends que les tentes ici à la saison des pluies ne sont pas vraiment adaptées. Le gardien me dit "il vous faut une caravane pour voyager"…. Oui, merci du conseil, j'y penserais !

 

Visite des montagnes environnantes et rencontre de 2 femmes et 2 enfants qui gardaient le troupeau de moutons et chèvres. Aucune communication possible car elles ne parlent pas un mot de français. Le gardien du camping me dit après qu'elles ne parlaient vraisemblablement pas l'arabe non plus. Dans les montagnes du centre, les gens ne parlent souvent que le berbère et les enfants ne vont même pas à l'école.

Tafraout est réputée pour être une très belle place mais il fait un temps exécrable et je décide de poursuivre mon chemin. On me conseille de continuer la route jusqu'à Ouarzazate et de prendre le large vers l'Est. La seule route sûre est celle qui retourne sur Agadir. Je profite d'un voyage gratuit glané dans le camping auprès de jeunes retraités français en camping car. Ils semblent encore plus intéressés de m'emmener que moi d'être emmené. Comme beaucoup de touristes ici ils visitent le pays sans découvrir la vie des marocains et ce que je vis les intéresse plus que le paysage que nous traversons.

 

Agadir à nouveau et le terrain de camping où il a plu beaucoup également. Je monte la tente de nuit – le plus difficile est de trouver un endroit correct. On s'imagine toujours un camping sur l'herbe, mais au Maroc c'est bien souvent un sol de cailloux. C'est très bien pour les caravanes et les camping-cars mais, pour moi qui suis parti sans matelas de sol c'est un peu dur. Le souvenir le plus dur est Marrakech où le sol était pavé avec un genre de galet rond que l'on trouve sur les plages. Les grasses matinées sont exclues.

Le lendemain, la journée commence par un superbe soleil et je décide de faire une grande lessive (pantalon, pull, etc.). Vers 11 heures, le soleil se cache et il pleut à nouveau dans l'après midi, me condamnant à rester en short pour la journée. Le soir, mon pantalon n'est bien sûr pas sec et je dois quitter les lieux le lendemain à 6 heures pour Denmate, via Marrakech. Je n'ai d'autre solution que de placer mon pantalon dans mon sac de couchage pour le sécher pendant la nuit. Ce n'est pas trop désagréable, mais au matin mon pantalon n'est toujours pas sec et je l'enfile tel que ainsi que mon pull. C'est un peu le problème quand on voyage avec le minimum sans faire de pause. A éviter dans les pays froids !

 

Voyage Agadir-Denmate : Petit incident au départ – je monte dans le bus comme tout le monde en laissant mon sac avec les autres, les porteurs sont chargés de ranger les sacs sur le toit. Le responsable du chargement me demande de descendre ; seul mon sac à dos est resté sur le trottoir et il me demande 10 D pour transporter ce sac. Je lui réponds OK, mais avant, je veux tu ailles réclamer 10 D également à tous les marocains dans le car. Il essaie de négocier à 5 D – même réponse de ma part et je remonte dans le car. C'est vraiment le bras de fer - je vois le coup que mon sac va rester à Agadir, et aucun marocain dans le car pour intervenir. En général, les étrangers finissent toujours par donner quelque chose. Voyant que je ne cède pas, ils finissent par charger mon sac.

Je suis un peu en colère après cette pratique qui fait que les prix sont différents pour les étrangers, si bien qu'en arrivant à Denmate, où il n'y a pas de camping, c'est moi-même qui fixe le prix de ma chambre à l'hôtel. Le patron veut me faire visiter avant de me donner le prix. Je dis non, je veux seulement connaitre le prix, je ne vais jamais à l'hôtel, je demande juste un lit, je dors sous ma tente de camping habituellement. N'obtenant pas de réponse, je lui propose le même prix que le camping d'Agadir, 10 D. Alors, comme il n'y avait aucun touriste dans la région il a préféré toucher les 10 D plutôt que de laisser un lit vide. Mais je reconnais que j'y ai été un peu fort.

 

Denmate est le Maroc profond, un peu coupé du reste par les montagnes – 15 à 20 000 habitants – un seul touriste, moi. Je m'introduis partout, la moindre ruelle, je mange la soupe marocaine épaisse qu'une femme vend dans la rue. Elle est délicieuse, un vrai repas complet. On la mange avec une cuillère profonde en bois, fabriquée par les berbères.

Le supermarché marocain : le souk, où l'on trouve de tout. Mais là, personne pour vous prendre par le bras et vous dire "viens m'acheter ça, vient visiter ma boutique".

La vente de poulet : Du poulailler au consommateur. Dans un coin du marché, un enclos avec une centaine de poulets bons à tuer. Ils ont la coccidiose (œil professionnel) mais sont quand même bien viandés. Sur le côté, on les saigne, les échaude, les plume, les vide et on les présente à l'étalage 5 mètres plus loin. Quand l'étalage diminue, on se remet à la tuerie. Ici, pas d'intermédiaires – du producteur au consommateur.

Denmate est une région avec beaucoup d'oliviers et c'est la pleine saison de la récolte. On tape sur les branches pour faire tomber les olives mûres, comme pour les pommes chez nous, et on les ramasse dans des paniers. La plus grande partie appartient à la communauté, c'est-à-dire à tout le monde. Cette coutume date de la colonie française, mais je me demande comment ils font pour le partage. C'est vrai qu'ils n'ont pas le tempérament des français.

Je visite un ancien barrage datant du 4 ème siècle et surtout un pont naturel très impressionnant - c'est comme une gigantesque grotte ouverte qui forme une arche en surface. En allant à ce pont qui se trouve à environ 6 km du village, je demande plusieurs fois mon chemin car rien n'est indiqué. Une femme m'indique un raccourci par les "jardins" et sous les oliviers, mais me met en garde contre les cochons, c'est comme ça qu'ils appellent les sangliers. Il y en a plein et il faut éviter de se trouver dans leur passage. Je me rappelle avoir vu avec Steven comment un sanglier pouvait charger l'ennemi. Il est préférable de repérer le premier arbre venu et ne pas se demander si on va arriver à y grimper. Je n'ai rien vu, mais au fond de moi-même, j'aurais aimé en prendre un en photo.

Par contre, j'ai rencontré, en mangeant une soupe dans le village, un pauvre gars qui était allé chercher des olives la nuit et avait été victime des sangliers. Il avait la figure toute emportée. Il racontait, par interprète interposé, il ne devait parler que le berbère, qu'il avait du grimper à l'olivier pour se débarrasser du ou des sangliers.

Près du pont naturel, un couple et ses deux enfants piochaient le sol. Comme un reflexe, quand je vois quelqu'un je m'approche, ne serait-ce que pour dire bonjour, nous avons fini par discuter pendant près d'une heure. Le mari avait travaillé pendant 15 ans à Usinor-Dunkerque, et, sa femme étant toujours malade, ils avaient décidé de revenir au pays il y a 2 ans. Depuis, sa femme n'est plus malade. Il possède un élevage de 2000 poulets, ce qui doit être extrêmement rare dans cette région. Mais il me confiait avoir beaucoup de problèmes de "maladies" (au sens large) sur ses poulets, au point que sur son dernier lot il en avait perdu 600. Ici, pas de vétérinaire, les médicaments sont hors de prix, pas de livres sur l'élevage de poulets, etc.….. c'est le bout du monde. Il faut s'accrocher quand on veut faire une production nouvelle comme ça. Il me dit qu'il est allé dernièrement en France et n'a trouvé aucun livre sur cet élevage. Le problème est sans doute qu'il n'a pas cherché au bon endroit, ce sont des livres techniques que l'on ne trouve pas dans les librairies classiques, il faut s'adresser à la filière professionnelle. Je lui ai donné quelques adresses en France et il m'a remercié très chaleureusement.

Tout un système d'irrigation est en place à Denmate. L'eau de la montagne est canalisée dans des fossés que l'on ouvre à la demande pour irriguer les parcelles à cultiver.

Beaucoup de maisons ne paraissent pas terminées. Les toits sont en principe plats et les ferrailles du chaînage dépassent d'un mètre les murs des maisons. On me dit que les propriétaires construisent un niveau au départ et prévoient de les rehausser plus tard quand ils seront un peu plus riches. Les murs sont souvent arrêtés à 1,50 m au dessus du plafond (toit). En attendant cela sert de balcon où l'on trouve vraiment de tout, des poules aux moutons.

Les voyageurs des bus sont sollicités par toutes sortes personnes, des mendiants, des marchands de nourriture, des enfants qui passent un bidon et une timbale à la main pour proposer de l'eau,….. même des hommes qui prêchent le coran. Ces derniers montent à l'arrêt de bus et racontent le coran pendant 5 mn par exemple, accompagnés d'un grand silence. Ensuite, ils passent pour faire la quête !

La deuxième nuit à l'hôtel de Denmate, je partage ma chambre avec un garde forestier qui est de passage. Il a 18000 ha à garder, est seul dans sa montagne, sans électricité bien sûr et redescend régulièrement à la ville pour se ravitailler. Le lendemain matin, dimanche, il doit essayer de trouver un camion qui monte là-haut, sinon il fera les 40 km à pied. Sa femme et ses enfants vivent à Casablanca.

Un après midi, vers 15 h 30, je voulais acheter un morceau de plastique pour me faire un poncho contre la pluie. La plupart des boutiques étaient ouvertes mais les commerçants étaient partis à la mosquée pour la prière. Revenez dans 30 mn environ ! …. Adaptez vous au rythme marocain !

 

Dimanche 10 décembre : 11 h de bus pour aller de Denmate à Fès. Le lendemain une journée complète de pluie à ne pas sortir du camping. Un voyageur suisse avait également planté sa tente et voyageait à vélo. Le responsable nous propose d'intégrer un petit hangar pour être plus au sec. Nous y avons dormi 2 nuits, c'était le 3 étoiles pour nous. Ce Suisse avait voyagé 2 ans sur tout le continent américain et après avoir retravaillé pendant 2 ou 3 ans en Suisse pour se ré-emplumer, il repartait pour environ un an en Afrique.

Visite de la médina à Fès : Avec cet "ami" suisse, pour être plus libre nous avions décidé de ne pas prendre de guide. Passé l'entrée, 5 ou 6 personnes nous sautent dessus et l'un d'eux ne nous a pas lâché pendant plus d'une heure. Nous lui avons dit au moins 20 fois que nous ne voulions pas de guide, et pour finir nous avons dû nous adresser à un agent de police pour qu'il nous lâche. Jamais vu quelqu'un d'aussi entêté, mais toujours très correct et très poli.

                    

Les tanneries : c'est un lieu qu'il faut voir une fois. Je suis tenté de dire plus pour les conditions de travail que le processus utilisé. C'est écœurant tellement c'est sale. Les bagnards d'autrefois avaient des conditions de travail souvent meilleures. Les hommes sont dans les bains avec les peaux. A 40-45 ans ils ont obligés de s'arrêter par les rhumatismes et les problèmes respiratoires qu'ils attrapent au contact des bains acides.

A côté de cela ils font un artisanat magnifique et vraiment pas cher en rapport avec le temps passé à la fabrication.

Ce camping de Fès est plein à noël de gens qui viennent spécialement pour faire des achats de fin d'année. Attention à tous les guides et faux guides qui vous accostent dans les rues pour soi disant vous montrer quelque chose d'exceptionnel.

Les allemands sont assez mal perçus en général dans les campings, ils se croient les meilleurs partout et manquent de sympathie avec les autres campeurs.

 

Mercredi 13, départ pour Rabat pour récupérer mon visa d'entrée au Soudan. Nous traversons des centaines d'hectares d'orangeraies. Je regrette de ne pas pouvoir prendre de photo avec toutes ces belles oranges dans les arbres. Cela rappelle nos vergers de haies fruitières mais en plus joli car les oranges se détachent par leur couleur sur le feuillage vert.

L'agriculture dans la région de Marrakech, Fès, Meknès y est beaucoup plus développée que dans le sud. Vu de l'extérieur, elle semble assez proche de l'agriculture française.

A Rabat, je vérifie le numéro de bus qui doit me conduire à l'adresse du marocain chez qui je dois loger à nouveau. Manque de chanc, je n'ai pas choisi le bon sens et je me retrouve à l'opposé de la ville. Bon, la prochaine fois, je demanderais plus d'explications.

Jeudi, je me rends à l'ambassade de Soudan où j'attends 4 heures dans une salle d'attente avant que le consul soit enfin libre et disposé à me tamponner mon visa sur mon passeport. Cette petite opération demande 1 minute, mais Monsieur était sans doute occupé. Il faut beaucoup, beaucoup de patience, c'est vrai que nous sommes en Afrique.

 

La marche verte. Les Espagnols occupaient autrefois le sud du Maroc et ont été priés de quitter les lieux il y a 15 ans (15 ème anniversaire). Ce départ s'est effectué sans effusion de sang. Le Roi avait demandé au peuple de marcher vers le sud pour mettre les Espagnols dehors et plus de 300 000 personnes avaient répondu à l'appel et ont participé à cette marche pour la libération du Sahara marocain, en 1974. Devant cette marée humaine les Espagnols ont accepté de quitter le pays. C'est la raison pour laquelle le sud parle l'espagnol et très peu le français.

 

La mort, expliquée par un marocain : Quand une personne meurt on fait venir un médecin pour un certificat de décès (sauf dans des régions très reculées où il n'y a pas de médecin). Le mort est enroulé dans des linges blancs et ficelé au dessus de la tête, comme un sac. Il n'est mis dans un cercueil que lorsqu'il s'agit d'un accident et que le corps est disloqué. L'enterrement a lieu au maximum une demi-journée après le décès. Je suppose que le climat y est pour quelque chose dans ce délai aussi court. Un trou est creusé et le mort est placé couché sur le côté, la tête vers l'est pour les hommes, vers l'ouest pour les femmes. La Mecque se situe à l'est du Maroc ! Mais pourquoi les femmes à l'opposé ? Je n'ai pas eu d'explications. Si la personne était musulmane l'Imam lit quelques passages du Coran près de la tombe, mais le mort ne passe pas par la mosquée comme chez nous l'église. Tout le monde enlève ses chaussures pendant cette "cérémonie".

 

Le corps est porté de la maison au cimetière sur un brancard. Seulement 3 hommes descendent le corps dans le trou mais sans toucher au corps. Ils s'aident pour cela de bandes de tissu qui font office de sangles. Ensuite on construit un entourage de pierres plates sur environ 40 cm de hauteur. Ces pierres sont liées entres elles par un mortier composé d'argile et d'eau. On recouvre ensuite ce corps directement de terre afin qu'il se désagrège plus rapidement. Les familles riches mettent une pierre tombale avec le nom du défunt.

Chaque cimetière a un gardien qui est entre autre chargé d'empêcher tout animal de gratter sur les tombes. Pour cela, il possède une carabine et a ordre de tuer tout ce qui peut nuire au repos des morts, y compris les hommes - c'est la loi.

 

Mariage : beaucoup de jeunes se marient entre cousins et c'est tout à fait normal ici. Par contre, il est interdit de se marier avec une personne qui a tété le même sein que vous, même s'il n'y a aucun lien de parenté. Avec la religion et les restrictions de sorties des jeunes filles, les jeunes ont très peu d'occasion de se rencontrer et dans beaucoup de familles, les garçons ne connaitront que leur cousines. La déformation professionnelle me fait comparer cette situation aux animaux où l'on sait que la consanguinité amène progressivement une dégénérescence de l'espèce, avec un taux de sujets anormaux plus élevé que la moyenne.

 

Dans les grandes avenues des villes la photo du Roi est placée dans des cadres accrochés aux poteaux des réverbères tous les 3 ou 400 m. C'est une bonne manière de se rappeler à la mémoire de son peuple !

 

L'arabe s'écrit de droite à gauche. (Le japonais peut s'écrire soit verticalement, soit horizontalement, comme l'on veut)

Lorsque l'on voyage au long cours sans adresse fixe et que l'on veut recevoir du courrier, il faut se le faire parvenir en poste restante. Toutes les grandes villes dans le monde ont un service "poste restante". Anticiper et prévoir le pays ou la ville où l'on passera dans 3 semaines par exemple et se faire envoyer le courrier à l'adresse suivante (exemple) :

Bernard LARDEUX

Poste restante

G.P.O. (Général Poste Office)

LE CAIRE ( CAIRO)

EGYPTE

Ainsi, le courrier est stocké à la poste centrale du Caire pour une durée de 2 mois environ. Il suffit de montrer son passeport pour retirer son courrier.

 

Vendredi 15 décembre : je reste une journée de plus à Rabat pour éviter une arrivée à Alger (Algérie) le samedi, jour soi-disant moins accueillant. Je prévois partir par le train le samedi à 21 h pour une arrivée à Alger le dimanche vers 21 h. Ainsi, je serais prêt dès le lundi matin pour ma demande de visa à l'ambassade du Tchad.

Prix du billet Rabat-Alger, 2 ème classe en train : 278 D

On me dit qu'en Algérie il est préférable de changer son argent au noir, 1 Dirham = 4 à 5 Dinars algérien, alors que le cours officiel serait de 1 pour 1, à voir.

Côté santé, je n'ai aucun problème pour l'instant après un mois de voyage – touchons du bois !