Etats Unis

 

                       Du 30 octobre 1997 au 8 janvier 1998

 

Itinéraire aux USA (cliquer pour agrandir)
Itinéraire aux USA (cliquer pour agrandir)

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Concilier l'utile et l'agréable, tel est le but de ce voyage - découvrir le pays en étudiant la production du pigeon de chair. Je pars avec quelques adresses de professionnels mais sans en avertir les intéressés. Le "pigeon" est un milieu difficile à pénétrer en France et encore plus aux Etats-Unis. Le tout sera d'arriver à intéresser mes interlocuteurs au premier contact. En France, au moment où je pars, j'exerce la profession de conseiller technique auprès des éleveurs de pigeons et j'emmène avec moi mes deux livres écrits sur cette spécialité dans le but qu'ils me servent de passeport. Que le lecteur se rassure, les aspects techniques ne seront pas abordés dans ce document, seules les rencontres y seront relatées.

 

Destination Washington DC pour essayer de récolter quelques adresses supplémentaires d'éleveurs professionnels. Washington est facile et moins tentaculaire que New York et je pense avoir plus de chance d'obtenir des renseignements.

Première nuit dans un Youth Hostel, l'équivalent de l'auberge de jeunesse chez nous, pour 21 $. Le lendemain, je pars à la chasse des adresses dans les administrations. Beaucoup de kilomètres à pied - c'est la meilleure manière de découvrir une ville, s'orienter, découvrir les gens dans la rue, les règles de circulation, etc. Résultat : bredouille pour les adresses, mais bien reçu en général.

Je passe ma deuxième journée dans un tour organisé pour découvrir différents sites dans la capitale. Le Capitol (Chambre des députés et Sénat) - la Maison Blanche avec une quinzaine de pièces visitées. Une queue pas possible pour obtenir les tickets d'entrée. On reste néanmoins sur notre faim à la fin de la visite – un Musée, l'histoire n'est pas très ancienne – Monuments et Mémorials, etc. – une journée sympa mais fatigante.

Repos le lendemain et étude de mon itinéraire. Mon intention est de me diriger vers le nord avant qu'il ne fasse trop froid car nous sommes au début de l'hiver. J'ai un ticket-forfait de bus greyhound valable pour 2 mois. Les compagnies de bus sillonnent tous les Etats-Unis et une partie du Canada, 24 h /24 , ce qui permet de passer des nuits entières dans les bus et d'avancer car les distances sont longues.

Départ en bus pour Pittsburgh en Pennsylvanie, puis Indianapolis dans l'Indiana. J'arrive de nuit et dors à la gare pour repartir à 9 heures le lendemain pour Champaign, au sud de Chicago. J'ai une adresse d'un journal ici, et surtout je veux tenter d'en obtenir de nouvelles.

Attention aux changements d'horaires - personne ne prévient. En parcourant les Etats-Unis de l'est à l'ouest on passe par 4 fuseaux horaires.

Je trouve un motel à 2-3 km de la station de bus pour 20 $. Les villes sont beaucoup plus étalées qu'en France et les distances à parcourir à pied sont en conséquence. Quand je demande une adresse dans une boutique et que l'on me répond "c'est juste la porte à côté", cela peut vouloir dire plusieurs centaines de mètres. Je marche 10 km pour me rendre à l'adresse du journal spécialisé dans l'aviculture pour m'entendre dire "il n'y a plus personne à cette adresse". Je ne me décourage pas pour autant, car pour moi tout est découverte.

Le lendemain, je loue une voiture pour visiter un éleveur de pigeon amateur à 75 km, à Decatur – adresse trouvée de France. J'ai une carte des USA excellente avec presque toutes les routes. Je tourne néanmoins en rond pendant 1 h 30 et réussis à trouver mon homme. Accueil cordial, non prévenu à l'avance, mais je ne suis pas invité à visiter son élevage, ni à aller à la maison. Je ne connais pas le type d'accueil dans ce pays, je découvre. Nous échangeons pendant une heure environ et j'ai la confirmation qu'il y a très peu d'éleveurs professionnels aux USA, que la production est peu connue et qu'elle se situerait plutôt en Californie. La consommation est presque essentiellement chinoise.

La voiture de location est une voiture automatique – attention au pied gauche qui veut quelquefois débrayer en appuyant sur …… le frein – ce n'est pas génial comme résultat. Je prends l'habitude de croiser ma jambe gauche le long de mon siège sous ma jambe droite et lui ordonne de ne pas bouger ! La vitesse est limitée et respectée – pas de danger particulier.

Départ pour Chicago où la ville est envahie de building gratte-ciel. A l'hôtel, je fais la rencontre d'une jeune française au pair et l'on se paie la plus haute tour de la ville avec un ascenseur qui nous propulse à 340 m en 50 secondes – vue magnifique de la ville de nuit. Bravo la technologie.

Le lendemain, nous marchons dans la ville une partie de la journée en visitant une banlieue dans laquelle je ne m'y risquerais pas la nuit. C'est un ghetto noir avec beaucoup de chômage et de la drogue.

Dans une rue, un hélicoptère fait l'ascenseur entre le sol et le haut d'une tour pour monter des matériaux de construction.

Je reprends la route et passe une nuit dans le bus pour arriver à Cheyenne, dans le Wyoming, par -10° avec 10 cm de neige. C'est une région agricole très plate.

Les bus s'arrêtent toutes les 2 heures environ, toujours à proximité d'un Mc Donald, ou restaurant du même type. Je décide de rester une nuit et en lisant un journal local, j'apprends que les parents d'élèves d'une école organisent une petite soirée danse le soir même. En visitant la ville, 6000 habitants, je me renseigne sur l'adresse de l'école auprès d'un facteur, et …. déception, l'école se situe à plus de 20 km. Je suis à l'affût de toutes les manifestations locales et à cette saison elles ne sont pas nombreuses. L'été, dans cette région, les concours de rodéo sur chevaux ou bœufs non dressés sont une activité très prisée.

Le parcours de Cheyenne jusqu'à Ritzville, dans l'état de Washington, offre des paysages monotones, souvent enneigés. C'est une région très peu peuplée avec des ranchs où les animaux vivent en plein air toute l'année. La température à 4 heures du matin est de -10°.

J'ai une adresse d'un éleveur de pigeon professionnel à quelques dizaines de kilomètres d'ici, mais impossible de trouver une voiture à louer, la ville est trop petite. Il me faut reprendre le bus pour la ville de Moses Lake.

Location d'une voiture à 14 h par téléphone, et on vient me chercher devant un super marché. Les démarches par téléphone me sont toujours difficiles – il faut se faire comprendre et être sûr d'avoir bien compris – pas de gestes pour aider à la compréhension. Les loueurs sont tous à l'aéroport, situé à 8 km du centre. Alors ils ont un service pour venir chercher le client en ville et le ramener à la fin de la location.

J'arrive chez Dave S…. (je tais volontairement les noms) vers 16 h. Il est tard et je prends le risque de ne pas ramener de photos car la nuit tombe vers 16 h 30 - 17 h. En même temps, je force un peu la main pour rester la nuit en arrivant à cette heure là. Pari gagné – j'ai droit au dîner, coucher, et au petit déjeuner. Un accueil super, je suis presque attendu. Si cela continue, les rencontres professionnelles vont être un plaisir. Je lui avais envoyé un courrier quelques semaines auparavant et j'avais tout fait pour qu'il soit intéressé. Il est très isolé en temps que professionnel dans cette région et tous les échanges sont bons à prendre.

Discussion jusque tard dans la soirée et visite de l'élevage toute la matinée le lendemain.

C'est une région qui ressemble un peu à un désert cultivé – 18 mm d'eau par an – mais avec un arrosage de tous les champs – merci la nappe phréatique ! Des champs immenses de céréale et quelques très grandes fermes bovines où l'on utilise des bulldozers pour racler les couloirs – nous sommes aux Etats-Unis !

L'élevage de volailles le plus proche se situe à plusieurs centaines de kilomètres me dit-il – et de ce fait, mon élevage est isolé et presque indemne de maladies. Je pense que le climat sec de cette région participe également à la santé des animaux.

 

14 novembre - direction Seattle – Etat de Washington à l'extrême nord-ouest. Là, pour la première fois, mon anglais me joue un tour qui me servira de leçon. Arrivé à l'auberge de jeunesse où je compte passer quelques nuits, je demande le prix : 70 $ la nuit en chambre non individuelle ! - non, ce n'est pas possible, à ce tarif je ne finirais jamais mon voyage. Je discute du prix, répété plusieurs fois par moi et le responsable de l'auberge – rien à faire, ce sont les tarifs. J'avais entendu parler que l'Ouest serait sans doute plus cher – eh bien j'y suis. Je décide de chercher auprès de l'Université où on loue des chambres souvent pour moins cher que dans les auberges de jeunesse – une heure de bus et réponse dans un interphone : "complet". Je demande dans la rue pour un hôtel bon marché – on me donne une adresse que j'ai de la peine à trouver et arrivé dans le hall je sens toute de suite que ce n'est pas pour les voyageurs en sac à dos – tarif : 130 $.

Retour à l'auberge par bus à 19 h 30 – tant pis je vais passer une nuit en espérant qu'à cette heure il y a encore de la place – ouf, oui. Je lis la facture qu'on me présente pour payer – 17 $ - et non 70 comme j'avais compris. Je me sens apaisé après tout ce périple.

L'accent et leur prononciation très rapide m'ont induit en erreur – alors que j'avais prononcé le chiffre 2 ou 3 fois pour bien me le faire confirmer. Finalement j'y resterais 2 nuits.

Visite de Seattle à pied avec une exposition d'objets se rapportant à noël dans un grand stade couvert – je dois mette dans l'ombre toutes mes envies si je ne veux pas me charger pour le reste du voyage.

Quelque chose qu'il est impensable de trouver en France – dans un très grand magasin d'antiquités extrêmement variées, des momies plutôt recentes sont exposées et à vendre. Ce sont des corps humains où l'on voit encore les muscles, quelques viscères – un corps entier debout dans une cage de verre.

Seattle compte un nombre impressionnant de gratte-ciel et le comble est que les architectes y mettent un tel design et esthétique que je les trouve beaux.

 

Petite escapade à Vancouver au Canada – ce serait dommage de ne pas y aller, je n'en suis qu'à 220 km. On se croit aux USA – aucune différence de vie, de langue. Beaucoup de gratte-ciel également et d'énormes trous avec des grues autour pour en construire d'autres. La ville manque beaucoup de verdure. La vie y est moins chère qu'aux USA et le quartier chinois – Chinatown – est superbe et très important, avec ses petits plats délicieux. D'ailleurs, la communauté chinoise est si importante que par moment on se croirait en Chine. Une immigration accélérée en ce moment par le fait qu'Hong Kong doit passer sous l'autorité de Pékin en 1999. C'est une ville très cosmopolite.

Les détenteurs de Mastercard comme moi ne sont pas aidés, mieux vaut avoir une carte visa. Il pleut très très souvent à Vancouver et les gens sont habitués – pas moi.

 

J'ai une adresse d'un éleveur de pigeons près de Vancouver et essaie d'envoyer mon "pédigrée" par fax avant de prendre contact par téléphone – j'estime que j'ai moins de risque ensuite de me faire jeter au premier contact. Quatre essais et ça ne passe pas. Je téléphone donc directement – c'est OK, et rendez vous est pris pour le surlendemain. Cela me donne le temps de continuer à visiter Vancouver et de louer une voiture. Une heure de route.

L'éleveur est un Allemand, d'environ 40 ans, émigré depuis 10 ans et marié avec une Canadienne. La famille a 7 enfants. Réception cordiale - parce que je suis français – c'est clairement dit. Aucun canadien ni américain n'est accepté à visiter l'élevage. Autrement, le but de cet élevage est aussi très clair : faire du fric, et empêcher d'autres éleveurs de s'installer autour. Aujourd'hui 12 000 couples de pigeons – 20 000 couples dans 2 ans, et je continue sur ma lancée. Il rêve un jour d'atteindre 100 000 couples. J'y reste 5 heures environ en étant invité à déjeuner avec eux le midi. Un rituel de la famille – une prière pour bénir notre repas et souhaiter que tous les pauvres puissent manger. Je ne peux pas m'empêcher de penser à la grande contradiction entre la pensée, les prières et les actes chez cet homme. Mais nous sommes sur le continent nord américain où le business, l'église et l'argent font bon ménage.

Retour à Vancouver – il n'y a plus de place à l'auberge, et, plutôt que de chercher une autre adresse, je décide de reprendre la route vers le sud et rouler toute la nuit. Je choisis une destination pour un arrêt à 7 heures du matin, une petite ville dans l'Oregon, Albany. Arrivé sur place, il pleut sans discontinuité – tout est fermé et je marche pendant une demi-heure pour trouver un endroit sec où je pourrais prendre un bon petit déjeuner. Je trouve un genre "routier" et entre. C'est la première fois que j'enfilais ma longue cape imperméable qui me protège de la tête aux pieds. Difficile de passer inaperçu en entrant avec cet accoutrement et mon gros sac à dos – mes chaussures font fiac, fiac. J'apprécie la chaleur de l'endroit et prends mon temps.

Revenu à l'arrêt de bus, j'envisage de me diriger vers Newport, à 100 km sur la côte. La pluie n'a pas cessé et je demande au commerçant de l'arrêt de bus s'il connaît les prévisions météorologiques. D'après la météo, nous sommes partis pour 6 jours avec ce temps, me dit-il. Je ne mets pas longtemps à changer mon plan de route et décide de me diriger vers la Californie.

Destination Sacramento où j'arrive à 2 h 30 du matin. Je passe le reste de la nuit tant bien que mal à la gare routière avant de retrouver une auberge au petit matin. Dans la journée, je me rends à l'Université de Californie à 25 mn de bus – une ville dans la ville, avec plus de 100 000 étudiants – pour y rencontrer un chercheur qui a travaillé sur le pigeon. Pas de chance, cette personne n'est plus là depuis longtemps me dit-on. J'ai un deuxième nom sur ma liste – que l'on finit par trouver. C'est un professeur à la retraite qui revient presque tous les jours pour travailler, ou plutôt passer son temps dans son bureau. Nous discutons pigeon pendant une heure pour apprendre qu'il y avait eu quelques projets nouveaux pour la recherche mais que le blocage avait été : "no monnaie". Il est très intéressé par mes livres et trouve qu'en France nous sommes beaucoup plus avancés sur le plan technique.

Je mange à l'université avec tous les étudiants. Les déplacements et les rencontres font souvent passer les repas au second plan dans ce type de voyage – j'ai des jours avec 2 repas et d'autres avec 4. J'essaie de manger équilibré et évite autant que possible les big-mac de chez Mc Donald.

L'Américain s'alimente différemment de nous – il mange le matin, et ensuite c'est à la demande. Pour certains ce sera quand l'estomac, ou l'odorat demande, pour d'autres ……. toute la journée – il y a tellement de sollicitations. Mais je n'ai pas été trop choqué par l'obésité, je m'attendais à plus.

 

Le transport de marchandises par rail est parfois spectaculaire. Vu, un train avec 4 locomotives diesel en tête suivi de 100 wagons – je les ai comptés, tellement il me paraissait long. En évaluant la longueur d'un wagon ça nous donnait un train d'un kilomètre et demi. C'est lent, très lent, avec un bon moment d'attente au passage à niveau.

 

Les étudiants s'endettent jusqu'au cou pendant leurs études. J'avais de la peine à le croire. Dans le bus – c'est là que l'on fait des rencontres et qu'on a le temps pour échanger. Une étudiante faisait 3 années d'études supérieures dans une école privée, comme la majorité des universités. Elle paie 30 000 $ par an pour la scolarité, et c'est un prix moyen me dit-elle. Les universités dites publiques coûtent autour de 12 000 $ par an, mais sont beaucoup moins côtées.

Pour y arriver, elle travaille à mi-temps et a emprunté. Ses parents paient pour une part mais elle estime qu'à la fin de ses études elle aura environ 25 000 $ à rembourser à la banque. A ces tarifs les jeunes sont obligés de travailler – pas question de se laisser aller, de sécher les cours. Je suppose que cela doit être une autre ambiance que dans les universités françaises. Cette fille reconnaissait que c'était très dur.

Les salaires sont en moyenne plus élevés qu'en France. Elle travaillait pendant ses vacances également et gagnait 1250 $ par mois (1997).

 

Modesto – ville de Californie – la plus grande concentration d'éleveurs de pigeons de chair – plus de 70 - une organisation en groupement d'éleveurs autour d'un abattoir. J'avais envoyé un courrier environ 2 mois auparavant pour avertir d'un éventuel passage. L'accueil est plutôt froid, et je dois argumenter quand on me demande "qu'est ce que vous voulez exactement ?" – les mots manquent un peu dans ces moments. C'est un climat de méfiance, …… un espion français. Le terme n'est pas complètement faux – mais un espion qui peut aussi apporter. A moi donc de montrer l'intérêt qu'ils ont d'échanger avec l'extérieur. Mon expérience et mes deux livres aident. A la fin de notre entretien, alors que je ne demande rien, le directeur m'invite à visiter l'abattoir. Visite très instructive mais où je m'abstiens de prendre des photos pour garder le climat de relative confiance qui s'est créé. Je le quitte avec quelques adresses d'élevages en poche que je suis autorisé à visiter, et où il m'accompagnera le lendemain dans deux endroits. Au total, j'aurais visité 6 élevages du groupe, avec un accueil cordial, mais à la manière des Américains du sud, c'est-à-dire sans être invité à la maison ni à s'assoir. On s'habitue !

Une escale à San Francisco avec ses rues très pentues où circule le tramway tiré par un câble niché dans le sol au centre des rues. C'est une attraction touristique en même temps qu'un moyen de locomotion pour les habitants. Les premiers tronçons datent de 1873.

Les véhicules en circulation dans la ville doivent être munis de très bons freins à main tant la pente des rues est importante.

J'arrive à San Francisco le mercredi 26 novembre 1997 dans l'après midi et me dit que demain je me rendrais au "department de l'agriculture" pour essayer de récolter quelques adresses. Le soir en discutant, j'apprends que le lendemain est un jour férié, c'est Thanksgiving, en souvenir des premiers immigrants. Déception, mais j'en profite pour visiter la ville. Vendredi, départ en bus pour être à l'ouverture des bureaux. Arrivé sur place, très peu d'animation – je demande à un gardien où sont les bureaux et à quelle heure ils ouvrent – …… mais tout est fermé aujourd'hui monsieur, les bureaux n'ouvriront que lundi prochain. Ah non - les Américains qui se mettent à faire les ponts comme les Français !

Je reprends le bus pour Ventura, sur la côte au nord de Los Angeles - un voyage de 8 à 9 heures. En montant dans le bus, je cherche à côté de qui je pourrais bien m'assoir pour discuter. Pas beaucoup de monde et personne d'engageant – tant pis je prends un siège seul. A l'arrêt suivant, une dame qui a failli louper son bus s'assoit à côté de moi, un peu essoufflée et énervée. Moi qui cherchais à discuter, j'en ai pour mon argent – la pipelette ! Elle n'arrête pas de parler et vite en plus – j'ai beaucoup de mal à la comprendre. Je lui dis au moins 10 fois de parler lentement, cela dure une ou deux minutes et la machine se réemballe. Dommage, elle est intéressante. Je suis obligé de me concentrer – c'est un bon entrainement pour améliorer ma compréhension – mais qu'est-ce que c'est fatiguant.

Comme toujours, je ne sais pas où je vais coucher le soir et le bus n'avance pas. A cette vitesse, je me demande si je ne vais pas arriver à minuit. Elle a une heure de moins en trajet et son fils vient la chercher à la gare. Elle finit par me proposer de coucher chez elle. Elle a un studio et est seule – mais, attention pour dormir seulement, pas pour la bagatelle qu'elle me dit. Prévoyante la petite dame – surtout avec un Français !

La deuxième partie du trajet est plus rapide et finalement, je garde mon programme d'aller jusqu'à Ventura, et non de m'arrêter à Santa Barbara où elle habite. Echange d'adresses et invitation à aller chez elle si je repasse par Santa Barbara.

J'arrive à 21 heures et trouve un petit hôtel pour lequel j'ai négocié le prix. C'est une pratique aux Etats-Unis. Quand le client a le choix et qu'il se fait tard les hôteliers préfèrent brader une chambre plutôt que la laisser vide. Le procédé est expliqué dans les guides.

Samedi matin – location d'une voiture pour le week-end – avant 12 heures s'il vous plaît, sinon je suis coincé jusqu'à lundi. J'ai deux heures de route pour atteindre mon éleveur de pigeon. J'arrive vers 11 heures - bon accueil – un élevage important de 8000 couples – mais l'éleveur n'a qu'une heure à me consacrer car son après-midi est pris. J'ai le temps quand même de le convaincre de l'intérêt de ma visite et il me donne rendez-vous dans un chic restaurant à 18 heures. En attendant, je suis autorisé à visiter seul son élevage et son abattoir. Nous sommes près de la frontière du Mexique et tous ses salariés sont mexicains, l'échange avec eux est quasi impossible.

Dans le sud de la Californie, il y a des moments où l'on se demande si on est encore aux USA, il n'y a que des Mexicains dans les rues et ils tiennent tous les petits commerces locaux, y compris les restaurants, les hôtels. Ils sont avec leurs chapeaux et chaussures mexicaines.

Premier décembre à San Diego – c'est un parcours du combattant avec la recherche d'un hypothétique élevage dont j'ai eu vent dans les environs. Les administrations ne me donnent pas d'indications, et c'est en téléphonant à des vétérinaires que j'obtiens l'information qu'un élevage existe bien dans un village, mais aucune adresse. Je me rends dans ce village et j'apprends qu'il abrite seulement 37000 âmes. Personne ne connait personne aux USA – les gens n'ont pas de racines, bougent beaucoup et s'intéressent peu à leur voisinage. En m'adressant à des fournisseurs pour l'agriculture, je finis par trouver la localisation, mais il n'y a personne. Je me permets d'aller visiter seul. C'est un élevage presque à l'abandon et qui, plein, peut contenir environ 2000 couples. J'apprends par un voisin que le propriétaire est chauffeur routier et qu'il s'occupe de ses pigeons tant bien que mal à ses moments libres.

Une petite déception, mais je prends conscience que toutes ces recherches m'apportent énormément en découverte de l'Amérique. Ça, c'est du terrain, de la vie de tous les jours et …… j'adore. C'est un peu comme dans la fable de La Fontaine avec le laboureur et ses enfants où le père, avant de mourir dit à ses enfants "Creusez, fouillez, bêchez, un trésor est caché dans la terre" – et le trésor n'est autre que le travail.

Sur le chemin, en direction de Las Vegas, nous traversons une région entre collines et montagnes recouvertes d'éoliennes. C'est une vrai forêt sauf que les arbres ici sont de petites éoliennes, plus petites qu'en France et proches les unes des autres.

On les appelle aussi des parcs ou fermes éoliennes. Le plus grand parc à l'est de San Francisco compte plus de 4 800 éoliennes.

 

Las Vegas - une autre aventure - ils ont créé une cité du jeu en plein désert. Pour vivre l'ambiance et la folie du jeu, il faut habiter la rue des jeux, "The strip". Les hôtels nous attendent et déroulent leur tapis rouge avec des tarifs très très bas en semaine. Les week-ends, le prix de la chambre est multiplié par trois. Les joueurs arrivent par charters le vendredi pour repartir le dimanche ou le lundi.

J'arrive de nuit – c'est splendide, tout est illuminé. Il est nettement conseillé de voyager avec un guide pour faire le tri des belles choses à voir, car si Las Vegas est la cité du jeu, c'est surtout pour moi un fabuleux spectacle. Les plus belles choses au monde y sont reproduites en modèles pas si réduits que cela. La tour Eiffel bien sûr – 165 m de hauteur, mais aussi Venise avec ses gondoles, les pyramides d'Egypte, la Grèce, l'Espagne, le Sahara, etc. Oubliez la consommation d'énergie et d'eau en plein désert, sinon vous passerez un très mauvais séjour.

Tout est calculé pour attirer les joueurs, ce n'est que tentations. Je ne joue pas aux jeux d'argent et je n'ai pas joué un dollar. La renommée est si forte que les gens font des milliers de kilomètres pour jouer dans l'espoir de gagner. Mais combien rentrent chez eux fauchés, n'ayant pu s'arrêter à temps – à l'image d'une jeune femme suisse qui cherchait un travail, n'importe quoi, pour pouvoir continuer à séjourner encore quelques temps aux USA. Elle avait joué, avait été prise par le jeu, la fièvre comme ils disent, et avait vidé ses comptes en banque. Plus on gagne et plus on a envie de continuer à gagner – et lorsque l'on perd, on continue également à jouer pour tenter de se renflouer.

 

Les chambres sont souvent au dessus des casinos, si bien que vous ne pouvez aller manger ou sortir sans passer par toutes les salles de jeux – tentations – tentations ! Les tarifs des repas sont anormalement bas pour retenir le client dans le casino. J'y ai pris le meilleur petit déjeuner de ma vie pour 2,50 €. C'était un buffet, qualité 4 étoiles, indiqué "mangez autant que vous voulez" avec environ 50 plats différents – fruits, viandes, omelettes, légumes, gâteaux, pain, boissons, etc. La plupart mettent discrètement quelques gâteaux et fruits dans leur sac avant de partir.

Le plus grand casino contient 5000 chambres.

C'est le royaume de l'argent où l'on retire des dollars partout, où les bijouteries pullulent. Mais contrairement à la bijouterie classique, elles sont ici plus pour acheter que pour vendre – avec une pancarte devant les portes "ici nous payons en liquide". Les joueurs fauchés revendent leurs bijoux de valeur pour continuer le jeu. En ce qui me concerne le spectacle de cette fourmilière m'intéresse beaucoup plus que le jeu.

Toutefois, l'arrière des coulisses n'est pas aussi beau que ce tableau, mais peu de visiteurs s'aventurent dans la banlieue de Las Vegas. La population est de plus d'un million d'habitants et les travailleurs de l'ombre sont Mexicains pour la plupart. Ils s'entassent à la périphérie de la ville où l'image est un contraste avec le boulevard des jeux.

 

Le Grand Canyon – un autre site que j'ai beaucoup apprécié. L'accès n'est pas facile si l'on ne possède pas de voiture. J'y suis allé en train – un joli petit train qui date du début du 20ème siècle – avec l'environnement de l'époque des cowboys – shérif, gare, cowboys à cheval, etc. On a droit avant le départ à un règlement de compte dans le village qui se termine par l'intervention du shérif. C'est pas mal mais ça pourrait encore être mieux si les acteurs y croyaient un peu plus. Deux heures de petit train avec café gratuit et animation pendant le voyage.

Arrivé vers 11 h 30, je parcours les bords du canyon des deux côtés du "village" – une très longue marche. Le lendemain, départ à 7 h pour une descente de deux heures, jusqu'à un plateau surplombant la rivière – une vue splendide – mais la remontée est plutôt pénible – c'est inscrit clairement dans les guides. On marche par le froid en étant en sueur.

Le Grand Canyon du Colorado – imaginez une gorge, profonde de 1 à 2 km sur 5 à 30 km de largeur qui a été creusée, sculptée au cours des millénaires par le lit d'un cours d'eau – et ceci sur plusieurs centaines de kilomètres – c'est vraiment impressionnant ! A voir.

 

Sorti du Grand Canyon, je fais un grand saut et rejoins la Caroline du sud, sur la côte Est des Etats-Unis – 48 heures de bus non stop. Je dois gérer mon calendrier pour pouvoir visiter l'élevage de pigeons le plus important du continent avant les fêtes de fin d'année – 25 000 couples. L'accueil est cordial. J'ai droit d'accès à l'élevage et l'abattoir et sans restriction pour les photos. Le directeur est ouvert aux échanges si bien que je passe deux jours et demi sur le site. Seul bémol, il a un fort accent et je peine à le comprendre. Le personnel est noir-noir – je me revois dans le film "Racine".

 

Le jour où je vais pour louer une voiture, il n'y a plus aucun véhicule de disponible. Alors le loueur me propose de me conduire chez un concurrent qui loue des voitures d'occasion, c'est-à-dire des voitures qui ont entre 5 et 10 ans d'âge. J'avais connaissance de cette pratique qui est assez répandue aux USA – elle permet de rouler pour 30 à 50 % moins cher. Au lieu de "Rent a Car" (location de voiture), ils appellent ces entreprises "Rent a Wreck", c'est-à-dire "Location d'épave". L'affiche n'est pas trop alléchante mais si l'on a pas trop d'impératifs le rapport qualité/prix est plutôt positif.

 

Je me dirige vers la Floride avec pour objectif la visite de la base de la NASA.

 

Anecdote dans le bus : un homme s'assoit près de moi et nous commençons à discuter. Au bout de quelques minutes, il me demande sans détour "êtes-vous Iranien ?" Je mets un certain temps pour lui répondre car je me demande ce qu'il y a sous cette question. Un petit moment après, il s'excuse de m'avoir posé une question aussi directe. Mais il me dit que d'emblée, qu'avant même de m'avoir parlé il m'avait pris pour un Iranien, juste par mon look, mon teint. Il était immigré et d'origine Iranienne lui-même et devait être attentif aux visages des personnes, un peu à la recherche de concitoyens. Je n'aime pas trop quand même être pris pour un arabe, surtout aux USA.

 

La conduite est moins dangereuse qu'en France – la vitesse est plus limitée, 100 à 120 km/h sur autoroute, et respectée. La route est très "fliquée" et on ne discute pas comme chez nous. Lorsque l'on est arrêté sur la route il faut éviter tout mouvement brusque car le policier est souvent seul et s'approche du véhicule en maintenant la main près du révolver – pas de provocation car ici la gâchette est facile. Les jeunes ont une peur bleue des flics – un jeune conducteur pris au volant en état d'ivresse, c'est 4 ans d'office de suppression du permis.

Sur certaines autoroutes de Californie, des feux sont installés aux bretelles d'entrée. Ils se mettent au rouge lorsqu'elles sont trop chargées et laissent entrer les voitures en fonction du nombre des sorties – ainsi, la circulation reste toujours fluide et le système incite les automobilistes à chercher des itinéraires bis. A méditer en France, pour éviter les blocages d'autoroutes certains week-ends et départs en vacances.

Sur certaines autoroutes très fréquentées la voie de gauche est réservée aux taxis, bus et le covoiturage. Des caméras surveillent particulièrement ces voies et personne ne s'y aventure en dehors des véhicules autorisés.

La circulation surprend au départ - comme la vitesse limitée est très respectée, toutes les files de voitures roulent souvent à la même vitesse.

 

Orlando en Floride – la ville aux cent lacs, avec des quartiers de forêt – c'est la nature et la ville réunies. L'inconvénient pour la personne non motorisée est que cela multiplie les distances. Deux attractions principales attirent les touristes vers cette ville, Disneyworld et Cap Canaveral. J'ai longtemps hésité pour visiter Walt Disney et me suis dit que j'aurais l'occasion de le visiter à Paris – mais je ne reviendrais pas pour Cap Canaveral. Je prends donc un bus spécial au départ d'Orlando et me voilà parti vers la côte Est pour la conquête des étoiles. Comme on peut se l'imaginer, c'est grandiose et le visiteur a accès à beaucoup de sites – de la fusée revenue sur terre où l'on peut se mettre dans la position du cosmonaute à la visite de la prochaine rampe de lancement - à 200 m, mais c'est déjà pas mal. Toute l'histoire de la conquête de l'espace est représentée – avec bien sûr, le côté "cocorico" américain ! Mais ferait-on différemment en Europe ?

Revenu à Orlando, je me mets à la recherche d'un hypothétique élevage de pigeons pour lequel j'avais eu vent depuis la Californie. Je réussis à le localiser à 120 km d'ici. Location de voiture et me voilà parti à sa recherche. Il est isolé et pas très bien suivi. L'éleveur a une autre profession et vend des couples de pigeons blancs (colombes), dans des cages immaculées pour un lâcher par les jeunes mariés à la sortie de l'église. Le lâcher de Colombes représente un mariage sur le thème de la pureté, des nuages, du porte-bonheur, de la couleur blanche, des tourtereaux…

L'éleveur me dit : "je suis le seul à le proposer dans toute la Floride et c'est très demandé" - avant d'ajouter sur un ton plus bas "et il y en a plus de 50 % qui reviennent à la maison" (des pigeons bien sûr !). Le petit malin, il les entraine comme des pigeons voyageurs.

 

Saut de puce à nouveau pour rejoindre La Fayette en Louisiane. La Louisiane, ça ne se raconte pas, ça se vit !

C'est l'accueil le plus chaleureux que j'ai rencontré aux Etats-Unis – ce ne sont pas des Américains, c'est une autre race. Les gens sont joyeux, aiment faire la fête, la danse. Je ne ressens plus le côté "faire du fric" – pour résumer, les gens aiment la vie. Attention, j'ai surtout rencontré les gens du milieu danse et musique – le berceau du Cajun, musiques et danses locales. Une animation a lieu tous les samedis matin chez Jeff, un café où l'on danse et parle le Français, ou tout du moins ce qu'il en reste – une ambiance qui reste dans ma mémoire, - les décibels aussi, mais c'était en prime. Les Français y sont les bienvenus et nous sommes considérés comme cousins, comme au Québec.

Ils sont fous ces "cajuns", ils se déplacent de très loin pour venir s'amuser et danser dans cette région, berceau de la danse. Je ne suis pas trop dépaysé car je vis la même chose en France avec la danse folk pour laquelle je suis un accro. J'aurais parcouru 5 places de danses et animations cajun pendant mon grand week-end dans le secteur d'Eunice. La ballade en bateau dans les bayous a été un moment fort également - genre d'immense marécage - un ancien bras du Mississippi, avec cette végétation particulière faite d'arbres aux racines aériennes et d'arbres morts – une autre planète.

Plus au sud, j'assiste à une messe gospel. Que des noirs, et quelle animation ! – un orchestre dans l'église – les gens qui dansent sur place. A vivre.

Retour à la Fayette où je m'occupe de la lessive et de ma coupe de cheveux avant une nouvelle aventure. Ma coiffeuse a la cinquantaine et parle un peu français. Elle ne connait pas les vacances – dans son travail cela ne se fait pas, elle perdrait une partie de sa clientèle. Quand je lui dis que les Français ont 5 semaines de vacances par an et qu'en plus ils sont payés pendant ces congés, elle a du mal à me croire. Les Américains ne sortent quand même pas beaucoup de chez eux et s'informent peu de ce qui se passe à l'étranger. Le système d'information semble fait pour que l'Américain moyen se regarde le nombril et tout ce qui vient de l'extérieur est minimisé.

Au cours de mes nombreux voyages, j'ai remarqué que les habitants des petits pays développés ont une ouverture d'esprit souvent supérieure à ceux des grands pays, et cela s'explique aisément – ils ne peuvent pas se contenter de regarder leur nombril, il est trop petit.

Les Américains sont puritains – aucun sein nu n'est toléré à la télévision, tout est flouté. Au cours d'une émission télé une fille excitée ouvre sa veste avec rien dessous et …… un grand rectangle blanc apparait au niveau des seins. Personnellement, je trouve que les seins d'une femme c'est beau et beaucoup moins dangereux pour une société que toute leur violence.

 

Après la Louisiane, objectif Toronto au Canada où j'ai récolté une adresse d'un éleveur. C'est une région très froide l'hiver et cela m'intéresse de voir les conditions d'élevage. Mon forfait de 2 mois de bus me permet de ne pas compter les déplacements, je peux me permettre de très longs trajets.

Sur mon parcours, je prévois un arrêt à Farmington, au sud de Saint Louis dans l'Illinois. En arrivant à Washington et au cours du tour organisé pour découvrir la capitale, j'étais dans le bus au côté d'une charmante dame qui m'avait laissé sa carte, au cas où je viendrais à passer dans cet Etat.

Je m'arrête pour visiter un mini élevage de pigeon sur le passage – sans aucun intérêt – mais je ne peux le savoir qu'après ma visite. Les éleveurs ne se connaissent pas ici, ils ont "entendu dire" qu'il y avait peut être un éleveur dans tel secteur – à moi de chercher.

De là, je repars en stop – et après 2 bonnes heures d'attente, une jeune fille de 18 ans s'arrête. Surpris, je lui demande pourquoi elle prenait des stoppeurs, car c'est plutôt réputé comme risqué aux USA. Elle me répond qu'habituellement elle ne s'arrête pas, mais aujourd'hui c'est Noël (la veille) et - "c'est ma bonne action". Son père est garagiste et ses parents lui ont offert ce pickup pour son permis. Il faut vraiment être aux Etats-Unis pour voir une jeune fille rouler avec ce genre de véhicule. A un moment nos itinéraires divergent et elle m'arrête à un grand carrefour pour continuer vers Farmington. J'attends encore quelque temps et observe beaucoup comme toujours. Je remarque un pickup qui se dirige en sens opposé et qui fait demi tour – il ralentit et s'arrête à ma hauteur. Un homme seul au volant, d'allure robin des bois – je suis sur mes gardes. En ouvrant la portière, je remarque qu'un fusil à lunette est posé sur le siège. Il accepte de m'emmener à mi chemin de ma destination. Je mets mon gros sac à dos dans le pickup et retient la sangle jusqu'à ce que je sois dans la cabine – au cas où il aurait l'intention de vouloir démarrer entre le moment où je pose mon sac et celui où je prends place sur le siège. Une fois installé – je cherche à créer un climat de confiance en parlant de lui, de moi, de la jeune fille qui venait de me prendre avec la conversation que l'on avait eu sur la dangerosité de l'autostop – tout ça dans le but de lui montrer que je connais les risques de ce type de voyage. Au final, je m'inquiétais sans doute pour rien – il m'a même emmené jusqu'à destination – c'est-à-dire quelque 80 km en plus de ce qu'il avait prévu – mais …… c'est noël et c'était sans doute aussi sa bonne action !

Je réussis à contacter la charmante dame qui vient me chercher à l'hôtel. Nous allons au restaurant et ensuite à la messe de minuit dans une église catholique. Arrivé à 9 h 50 pour 10 h – plus de places assises – nous restons debout au fond de l'église. La messe se déroule comme en France, mais les acteurs sont différents. Le terme d'acteur est un mot juste – le prêtre rit, gesticule – on dirait Devos pendant le sermon – les gens se bidonnent. La quête se pratique avec une corbeille au bout d'un grand manche, un peu comme une épuisette.

A la fin le curé vient à la sortie pour serrer les mains de ses paroissiens. Cette ville de 15 000 habitants abrite 6 ou 7 églises, toutes de communautés différentes.

Le sapin est une tradition comme en France, mais on y accroche tellement de choses dedans qu'on ne le voit plus. Il reste la forme du sapin avec les boules, guirlandes, paquets, lumières clignotantes, etc. – trop pour être beau à mon goût.

Des grandes tentes-chapiteaux sont installées sur les places où l'on y vend tout ce qui peut être vendu pour noël. Les maisons ainsi que les extérieurs sont très décorés et illuminés – c'est beau.

Le jour de noël est un jour mort, comme en France sans doute - aucun magasin d'ouvert et difficile de trouver quelque chose pour s'alimenter.

Le père noël est dans toutes les vitrines mais ce qu'ils ont en plus de chez nous, c'est qu'il est souvent accompagné de la mère noël – égalité des sexes oblige !

Direction le Canada et la région de Toronto.

 

Dans tous les lieux d'accueil, je trouve qu'il leur manque le sourire, et si tu ne comprends pas quelque chose tu les emm………. Les chauffeurs de bus semblent avoir été recrutés dans l'armée.

Ma petite escapade de 3 jours au Canada me permet de couper avec les Américains et de prendre un peu de recul. Peut être suis-je un peu saturé de la vie américaine.

La population noire est très discrète au Canada comparée aux USA.

A Détroit, au passage de la frontière, un douanier américain me demande sur un ton très sévère "que faites vous aux USA et où allez vous au Canada ?" Trop difficile à expliquer – alors je sors mon atlas de mon sac sous son œil agacé et lui montre tout mon trajet surligné, environ 30 000 km. Sa mine change et la réponse est (en français) "OK, bon voyage". A côté de cela 3 personnes du bus n'ont pas été autorisées à passer la frontière. Il semble qu'il y ait un vrai délit de faciès dans cette région.

 

Au Canada, je n'ai pas l'adresse exacte de l'élevage, j'ai juste le village et un numéro de téléphone – alors je loue une voiture pour m'approcher au plus près et prends une chambre d'hôtel. La campagne n'est que manteau de neige.

Vers 14 h je téléphone et tombe sur la fille de l'éleveur qui me dit de rappeler vers 18 h. A 18 h – personne – je laisse un message et mon téléphone de l'hôtel. A 21 h, l'éleveur me téléphone et un rendez vous est fixé le lendemain midi à mon hôtel. Premier contact : "qu'est-ce que vous voulez ?". Oh là, je suis tombé sur un homme méfiant. Je lui explique que je cherche à rencontrer les éleveurs pour échanger sur les pratiques d'élevage. Pendant une heure, nous discutons en feuilletant mes bouquins – je lui parle de nos techniques d'élevage et pose de temps en temps une question, mais à aucun moment je demande à visiter son élevage. Il me faut inverser la situation et faire en sorte qu'il soit intéressé pour me recevoir chez lui. Je pense qu'il va en rester là, quand je découvre qu'il ne connait pas la technique de sexage des pigeons. "Vous pouvez me montrer ?" – mais bien sûr monsieur, mais il me faut fabriquer une pince à sexer avec du fil de diamètre 3 mm environ – ……. pas de problème suivez moi. Arrivé chez lui, changement complet d'atmosphère – café, gâteau, visite de l'abattoir, du pigeonnier, photos à volonté – à condition qu'elles soient destinées à la France uniquement – encore un qui se protège de la concurrence.

Le lendemain, je passe ma journée en ballade sur les routes enneigées du Canada – c'est une région peu peuplée, très plate et un peu ennuyeuse – le manteau blanc rend le décor monotone.

Retour aux USA où je cherche une place pour passer la Saint Sylvestre. J'opte pour une petite ville de 10 000 habitants environ, Uniontown, au sud de Pittsburg en Pennsylvanie. Le premier motel contacté est à 50 $ la chambre et la femme me dit "ce sera un peu bruyant cette nuit car nous organisons "une partie" (St Sylvestre chez nous) avec 2 ou 300 personnes attendues. Houa ! - C'est exactement ce que je recherchais. Je prépare ma "tenue de sortie" et lui emprunte un fer à repasser.

La soirée – les participants ont entre 25 et 50 ans – ils viennent pour boire et ….rire sous l'influence de l'alcool. La musique – un orchestre de jeunes – ce n'est pas vraiment de la musique mais plutôt des décibels – la batterie couvre la voix du chanteur. J'avais pourtant choisi un emplacement loin des baffles. Le groupe de danseurs se compose de quelques filles excitées sur la piste. Je n'ai jamais réussi à entrer psychologiquement dans la soirée. En plus les gens viennent en groupe, donc les personnes seules restent isolées. J'ai l'impression que cette soirée est un moment de déchainement où on ne se contrôle plus. Bref, j'y suis resté 3 heures en faisant beaucoup d'efforts pour ne pas partir avant. J'aurais vu ce qu'est une St Sylvestre au USA – j'ose espérer que je suis mal tombé et qu'il y a mieux.

Etape suivante, la région de Philadelphie, pas très loin de New York, pour tenter de trouver un élevage de pigeons. Je passe beaucoup de temps au téléphone pour mes recherches et finis par le localiser près de Lancaster. Il est 19 h - "Pouvez-vous venir ce soir ?" – euh, oui (ça ne m'arrange pas), j'arrive. Le problème, à cette heure-ci, il faut s'arranger pour revenir le lendemain et visiter l'élevage de jour.

En arrivant à la maison – énorme surprise – je suis tombé dans une famille Amish. C'est un coup de chance aussi car moins de 24 heures auparavant j'avais lu sur mon guide tout un passage sur la communauté Amish, et cela m'a évité bien des erreurs.

 

Les Amish : une communauté religieuse originaire d'une région suisse allemande qui a immigré aux Etats-Unis à la fin du 17ème et au début du 18ème siècle. Leur nombre est estimé à plus de 50 000 personnes en Pennsylvanie.

Ils sont pour une application stricte des règles de la bible et refusent le modernisme en général, la vaccination, les engrais chimiques, l'automobile, l'électricité, etc. Ce sont des adeptes de la non-violence.

Ils vivent majoritairement de l'agriculture où tous les travaux des champs se font avec les chevaux. Leurs produits sont très recherchés car réputés biologiques.

 

La famille qui me reçoit est très religieuse. Ils suivent la bible en refusant le modernisme. Pas d'électricité, mais l'éclairage au gaz ne se remarque même pas. Pas de voiture ni d'engins mécanisés – ils se déplacent en "buggy" avec un cheval. La tenue vestimentaire – les hommes sont habillés en pantalon noir, veste noire, genre gilet de travail et chapeau. Ils portent la longue barbe mais sans moustache. Les femmes sont en robe bleu pâle et gilet noir, bas noirs, chaussures noires et genre de bonnet blanc sur la tête – un bonnet qui ressemble un peu à une petite coiffe.

La famille se compose de 8 enfants – 5 garçons et 3 filles. Je suppose qu'elle est complète, le dernier doit avoir 3 ans – mais ce n'est pas certain. Les enfants sont très polis et aident beaucoup – c'est eux qui font la plupart des travaux à l'élevage qui a une capacité de 1000 couples. L'enfant ne parle que le Amish jusqu'à l'âge de 4 ans – c'est un dialecte allemand de leur région d'origine, une petite région en Suisse. Ensuite il commence à parler Anglais.

J'ai droit au café et gâteau maison fait par les enfants. Dans ce type de famille, surtout ne pas chercher à justifier pourquoi on laisse femme et enfants en France pour 10 semaines, et en plus au moment des fêtes de noël.

La communauté a son église bien sûr, son école Amish avec un instituteur Amish.

Le lendemain matin, je reviens pour montrer comment sexer les pigeons, conseiller un peu sur les problèmes d'élevage, etc. J'ai droit à une ballade en buggy jusqu'à l'école à 2 km. La famille possède 3 ou 4 buggy différents selon les usages, dont un pour les transports – le plus beau est réservé le dimanche pour aller à la messe. Ce sont de vrai bijoux – moquette, capitonnage, lumière sur batterie. Ils possèdent deux chevaux. Le buggy que nous avons utilisé se composait d'une cabine 2 places avec un plateau arrière où les enfants avaient pris place. Ils étaient habillés exactement comme dans la description plus haut, même le tout petit avec sa veste et son chapeau. Ils étaient aux anges pour m'expliquer le fonctionnement de leur école – une classe pour les 4 à 12 ans située en pleine campagne. Les bureaux sont peu communs. Chaque enfant est représenté personnellement par un dessin fixé au haut du mur autour de la classe, et les garçons sont représentés par des chevaux. J'imagine que le maitre n'a aucun problème de discipline.

Toute la famille rayonne de joie, ….. avec un habillement qui ferait honte en France – et ça, ils le vivent en minorité au milieu des américains.

En dételant le cheval, le père m'explique qu'il devra acheter un cheval et un buggy à chaque garçon atteignant 16 ans – c'est la tradition.

La mère ressemble à une bonne sœur, participe peu à la conversation mais est très souriante, et d'une gentillesse …… à vous révolter, tellement cela ne paraitrait pas naturel en France.

Quand nous discutions sur les photos des mes livres, les enfants étaient très attentionnés et le père n'hésitait pas à leur expliquer en détail. Il est possible aussi qu'ils ne reçoivent pas souvent d'étrangers et que la communauté vive en cercle très fermé.

J'avoue qu'ici la visite de l'élevage était bien secondaire pour moi – c'est vraiment le hasard du voyage qui m'a fait entrer dans une famille comme celle-ci.

Quand j'ai demandé pour prendre des photos dans l'école, les enfants se sont déplacés derrière moi – et je me suis souvenu avoir lu qu'il n'était pas dans leurs coutumes d'être pris en photo. Je me suis bien arrangé pour ne jamais les gêner. Le père a une autre profession, il installe et répare le matériel de désilage pour les silos tour dans les fermes. Il a deux ouvriers et a besoin d'un petit camion pour travailler. Alors, pour être en règle avec les coutumes de sa communauté, le camion appartient à un de ses employés à qui il paie une location.

 

Mon dernier grand week-end a été consacré à la chasse aux élevages de pigeons dans la région de New York. Depuis la France, il n'y en avait plus depuis longtemps. Eh bien, mon acharnement a payé et c'est en contactant la communauté chinoise, consommatrice de pigeons, que j'ai pu remonter jusqu'à 2 élevages à l'Est de New York, dans Long Island.

Le plus important – 20 000 couples selon son propriétaire – ne m'a pas ouvert ses portes. Nous avons discuté devant l'élevage pendant 2 heures mais je doute beaucoup de sa bonne foi.

Le second était beaucoup plus ouvert (1600 couples) et a téléphoné à un de ses amis français pour passer la soirée ensemble. Ce Français originaire de Bretagne travaille comme cuisinier et habite les Etats-Unis depuis 30 ans. Il revient en Bretagne tous les deux ans environ, où il ossède une maison. Il ne sait pas encore s'il reviendra en France pour sa retraite car il trouve que les Français sont des "ploucs", qu'ils n'ont pas évolué. Curieuse image d'un Français immigré – cela me fait penser aux jeunes qui partaient autrefois vivre à Paris et qui revenaient en province avec un esprit de supériorité. Mais peut être a-t-il raison, il est difficile de se juger soi même.

 

Voyager en plein hiver ne m'a pas été trop pénible. Le fait d'avoir un but – l'étude sur l'élevage de pigeon – m'a fait oublier le climat plus rude au nord. Cette étude m'a porté tout au long de mon périple et permis de rencontrer une multitude de personnes que je n'aurais jamais croisées dans un voyage 100 % touristique.