Japon

Juin 1990

Mon circuit en noir (cliquer pour agrandir)
Mon circuit en noir (cliquer pour agrandir)

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Suite de la Chine

 

De Canton, au sud de la Chine, je repasse à Hong Kong pour prendre un vol vers Tokyo. Je prends un billet aller-retour car Hong Kong est une plaque tournante d'où il est facile de repartir avec des tarifs très abordables.

 

Le Japon : 120 millions d'habitants, soit environ le double de la France sur une surface équivalente au 2/3 de sa superficie. Cela donne en théorie 3 fois plus d'habitants au km². Mais la réalité est toute autre quand on prend en compte que les 2/3 de cette surface sont composés de montagnes. La population est donc très dense dans les parties habitables et les surfaces agricoles sont réduites.

C'est un pays composé de 4 grandes iles, du nord vers le sud : Hokkaidō, Honshū, Kyūshū et Shikoku, plus des centaines de petites îles.

 

Aéroport de Tokyo : Surprise – le douanier me demande mon itinéraire prévu au Japon. Je ne m'attendais pas à cela ici – est-ce que c'est le fait que j'ai un sac à dos et que je suis barbu ? "Pas de problème Monsieur" – je prends ma carte et j'inscris au hasard une dizaine de ville en respectant un circuit et me voilà sorti de l'aéroport.

L'aéroport se situe à 80 km de Tokyo et je n'ai pas envie d'affronter la jungle d'une grande ville en arrivant sur le sol japonais – je décide de trouver un bus qui me fasse sortir de l'aéroport pour le premier village et de partir vers le nord. Je réussis à prendre un train ensuite en direction de la côte. A la gare aucune inscription en anglais et que des distributeurs de billets automatiques, si bien que je n'ai pas d'autre recours que de demander de l'aide. Premier train – tout se passe bien – c'est comme un train de banlieue – la majorité des passagers sont des étudiants, tous en uniforme - et chaque école doit avoir le sien vu la diversité des groupes. Au bout d'une demi-heure tout le monde descend – on me dit que c'est le terminus pour ce train. Le prochain pour ma destination est dans une demi-heure – pas de problème, j'ai tout mon temps. Les trains passent tous les 5 mn avec des destinations diverses. Quand mon train arrive, à l'heure que l'on m'avait dit, je demande confirmation sur le quai – OK, c'est le bon. J'enfile mon sac et au moment où je veux entrer les portes se referment sous mon nez. C'est le type de fermeture des portes de métro. Pas de chance – la prochaine fois tu te presseras !

Renseignement pris, il y a un autre train dans une heure. Bon, ça me donne le temps de manger. Quand l'heure arrive, je me dis, celui-là je ne vais pas le manquer, sinon je couche ici. Le train arrive – je monte dedans – je dépose mon sac à dos et je m'assure quand même que c'est le bon. Eh bien non, ce n'est pas le bon et …… les portes se referment avant que je puisse sortir. C'est mal parti pour le Japon ! J'apprends plus tard qu'au Japon les trains sont à la minute près, presque la seconde, et que les portes restent ouvertes 30 secondes, pas plus. Inutile de prendre un train une minute avant l'heure, ce ne sera pas le bon.

Je m'arrête à l'arrêt suivant et comme je ne sais pas où je suis je décide de planter ma tente sur un coin d'herbe près de la voie ferrée.

 

Le lendemain matin, le village est trop petit pour être mentionné sur ma carte. Je le parcours de long en large en demandant la route pour aller à la ville où je voulais aller pour tenter le stop. Impossible de comprendre leurs explications et personne ne parle anglais. Les gens me comprennent mais c'est moi qui ne les comprends pas. Pour finir, une femme me dit de la suivre et j'atterris à la gare. Je pense qu'elle ne m'a pas compris mais tant pis, l'essentiel maintenant est de sortir de ce village. Je reprends donc le train en sens inverse jusqu'à l'endroit où j'avais fait fausse route et continue l'itinéraire de la veille - avec le ticket de la veille. Ça s'avère bien sûr être la meilleure solution.

Me voilà à Kashima sur la côte Est et de là, je pars en stop en direction de Sapporo sur l'ile d'Hokkaido.

Le Japon roule à gauche. Cela fait le cinquième pays traversé en Asie qui roule à gauche – après le Pakistan, l'Inde, la Thaïlande et Hong Kong.

Le Français se plaint de sa limitation de vitesse, eh bien qu'il aille au Japon avec une vitesse limitée de 40 km en ville, 60 sur les routes normales, et 100 ou 110 sur les autoroutes.

J'écris le nom des villes sur un carton en écriture latine, cela appuie et confirme mon caractère étranger - au cas où ça ne se verrait pas ! J'ai de la chance car la plupart des automobilistes qui s'arrêtent pour me prendre à bord parlent un minimum d'anglais. Il se produit une sélection automatique des conducteurs. Le japonais est plutôt du genre timide avec l'étranger et s'il ne parle pas un mot d'anglais, il préfère ne pas s'arrêter.

L'intérieur des voitures est d'une propreté et d'un chic extraordinaire, avec des petits napperons partout. Les gens sont très propres – même les chauffeurs routiers et les mécanos, dès qu'ils descendent pour effectuer quelque chose avec leur mains, ils enfilent des gants blancs. J'ai intérêt à rester très propre si je ne veux pas attendre trop longtemps sur le bord de la route. Le plus délicat est mon sac à dos que je dois maintenir impeccable pour le poser sur les sièges. Rien à voir avec le Pakistan et l'Inde où je cherchais un endroit propre pour poser mon sac dans un bus.

Beaucoup de voitures ont la climatisation et souvent pour me faire plaisir le conducteur en remet un petit coup pour me rafraîchir. Avec une température de 10 à 15° supérieure à l'extérieur, je n'aime pas du tout et j'utilise ma carte routière dépliée pour faire office de coupe-vent.

Je remonte tranquillement et me retrouve près de Hachinoche après 3 jours de stop. J'apprends à connaitre en douceur le Japon. Mes 4 premières nuits en tente – une près de la gare avec des sanitaires pour moi seul – une sur un parking en ville – une sous un pont – et une dans un terrain vague. Le Japon est réputé pour être un pays assez sûr et paisible. J'essaie d'arrêter le stop vers 5 heures le soir pour trouver une place correcte et visiter les alentours.

Un jour, je faisais quelques courses dans un petit magasin de village quand, à la sortie, deux policiers m'attendaient. C'était le premier contrôle au Japon – correct – mais règlement-règlement – avec mini-interrogatoire dans la rue – papiers – d'où venez vous ? – que faisiez-vous dans ce magasin ? – que faites vous au Japon ?, etc. – ouvrez votre sac. Je m'en fais presque un jeu quand je n'ai rien à me reprocher. J'avais dû être signalé comme intrus dans ce village.

 

La courbette japonaise : c'est un signe de politesse qui signifie aussi bien bonjour, au revoir, merci, du respect, des excuses ….. Le haut du corps s'incline vers l'avant. L'inclinaison peut aller jusqu'à 90°, chez les pompistes par exemple.

Vu dans la rue : deux hommes, après une conversation se disent au revoir. L'un d'entre eux se recule d'un pas pour effectuer sa courbette, sinon ils se seraient touchés – l'autre lui répond – le premier répond à la courbette du deuxième et ainsi de suite. Cela peut aller jusqu'à 3 courbettes chacun. Le plus marrant est que si vous vous trouvez acteur de ce type de scène et que votre ami japonais vous dit merci avec une courbette, vous lui répondez avec une mini-courbette sans vous en rendre compte, c'est automatique.

Dans la culture japonaise, on ne se serre pas la main. J'en ai fait l'expérience dans une ferme dans l'île d'Hokkaido où j'ai passé une nuit. Toute la famille m'a serré la main mais la grand-mère m'a présenté sa main gauche et la paume vers le haut.

 

Les machines à sous : Le japonais aime jouer aux machines à sous. Chaque ville a sa salle de jeu, qui se présente comme un hyper-marché chez nous, avec un immense parking. L'entrée est gratuite et l'intérieur est rempli de machine à sous de tous genres. Les gens, hommes en majorité, viennent passer leur soirée à jouer devant ces machines. C'est uniquement un jeu de hasard. Personnellement je n'y vois aucun attrait.

La plupart des maisons sont à ossature bois mais l'extérieur est rarement en bois. Les couvertures sont en tôles plates peintes en forme de très grandes ardoises.

Les champs de riz sont petits mais impeccablement tenus, un peu comme des jardins. Les surfaces sont trop petites pour vivre de la culture du riz et les cultivateurs ont la plupart du temps un deuxième métier.

 

 

Des grands travaux : Les japonais n'ont pas peur des grands travaux, ils murent les bords des fleuves, ils créent d'énormes digues artificielles contre les vagues sur la côte, ils prévoient les éruptions volcaniques en aménageant des couloirs dans les montagnes pour d'éventuelles coulées de lave, etc. A Fukuoka dans l'île du sud, ils ont rasé une montagne en bord de mer pour recombler celle-ci et récolter des milliers d'hectares supplémentaires. On voit rarement des montagnes nues comme chez nous, même sur les pentes les plus abruptes les sapins y poussent. Sur un flanc de montagne, 2 hommes en rappel injectaient de la terre retenue par un filet ou grillage. Ils opéraient comme avec un énorme pistolet sur un mur. La terre provenait de Hollande.

Cela donne une idée du boom économique japonais.

 

Hokkaido : l'île du nord avec Sapporo, la capitale. C'est l'île agricole avec une grande place pour la production laitière, alors que les autres îles sont plus industrielles. Nous sommes en Juin et le paysage est magnifique. Je réussis à camper deux fois dans une ferme laitière.

La première possède 60 vaches laitières sur 20 ha (je pense que les génisses devaient être incluses). Les vaches restent à l'étable toute l'année. Les températures peuvent descendre à moins 30° avec plus d'un mètre de neige l'hiver dans cette île. La nourriture est à base de foin et maïs et toutes les fermes possèdent un silo tour.

La deuxième – un peu plus développée – 40 vaches laitières et 40 génisses sur une superficie de 40 ha. Le fermier a 37 ans et a passé 6 mois dans une ferme laitière en Nouvelle Zélande. Il possède 3 tracteurs et beaucoup de matériel (le même qu'en France) – une moyenne de production de 8600 litres par vache – une alimentation à base de maïs et foin comme la première. Des conditions de travail comparables à la France.

Malgré tout, par manque de surface, l'agriculture reste le parent pauvre au Japon et les coûts de production sont très élevés.

 

Nous sommes en juin, le jour se lève à 3 h 30 et il fait nuit à 19 h 30. Je n'ai jamais compris le pourquoi de ce décalage horaire par rapport au soleil ?

 

Les forêts du nord sont habitées par les ours et tous les ans on dénombre un ou deux morts. Une règle dans les campings est de ne jamais garder de nourriture avec soi dans la tente. Si un ours rôde et a faim, il est attiré par l'odeur de nourriture et déchire la tente pour manger. Il faut suspendre cette nourriture à une branche d'arbre assez haute et assez fine car l'ours grimpe aux arbres. J'ai dormi 3 fois dans la forêt et j'avoue qu'au début je n'étais pas très rassuré.

 

Sapporo : A l'image du pays, c'est l'apparence d'une ville nouvelle. On ne voit pratiquement pas de constructions anciennes. Les rues sont un quadrillage bien ordonné avec des numéros, très pratique pour le voyageur étranger. Les gens sont disciplinés aux feux rouges, voitures comme piétons. Si je voulais résumer, le Japon c'est : l'ordre – la discipline – la propreté.

Par manque d'espace, ils inventent la tour-parking. La voiture arrive dans une impasse, s'arrête sur un plateau tournant, le chauffeur descend et rentre chez lui. Le gardien actionne ses petites manettes et la voiture se retrouve dans un "casier" de la tour, exemple le N° 68D. Le lendemain matin, il suffit au gardien de taper le numéro du casier pour retrouver 30 secondes plus tard sa voiture sur le plateau tournant prête pour le départ.

L'île est envahie de touristes au mois d'août car les japonais viennent y chercher la fraîcheur et la nature.

 

Depuis Hokkaido, l'île du nord, je décide de descendre jusque dans le sud à Fukuoka, île de Shikoku. Plus de 2000 km en stop et sans sortir de l'autoroute. Je passe 4 jours et 3 nuits sur la route et dors sur les aires d'autoroute – beaucoup de rencontres et des paysages plein les yeux. Nous longeons les montagnes, les traversons en tunnels, beaucoup de pont-viaducs nous permettent de passer d'un mont à un autre – que de grands travaux. Le péage est en conséquence avec 0,75 F du km. J'essaie de ne pas me faire éjecter de l'autoroute en demandant au conducteur de me déposer à l'aire de stationnement juste avant sa sortie et je me place à la sortie du restaurant d'autoroute avec une pancarte indiquant ma destination, et,…… ça marche super bien.

Certains automobilistes veulent m'aider au-delà de ce que je voudrais et essaient d'arrêter les voitures pour moi. J'ai beaucoup de mal à les en dissuader – ils ne me rendent pas service, au contraire. Je préfère que l'automobiliste s'arrête de lui-même, la relation est souvent meilleure.

Les vaches ont leur transport en commun ! Les distances sont longues au Japon, plus de 3000 km du nord au sud, et je croise sur une aire de stationnement un semi-remorque qui descendait des génisses vers le sud. C'était l'heure du casse-croûte et les animaux mangeaient et buvaient de chaque côté du camion, en restant à l'intérieur, dans des auges de toile repliables.

 

Le japonais vit pour son pays. Cette mentalité relève sans doute de leur histoire et au côté insulaire du pays. Un jeune japonais professeur d'anglais m'enviait de voyager et aimerait lui aussi partir à l'aventure. Il m'expliquait qu'il était très difficile d'obtenir une disponibilité dans l'enseignement lorsqu'on est jeune. Les autorités argumentent que c'est grâce à la société qu'ils ont bénéficié des études et qu'ils ont le devoir de servir leur pays en premier. Il résumait bien pour moi l'esprit japonais – tout faire pour son pays avant de penser à soi même. On dit quelquefois que le français est chauvin, mais je pense que sur ce point il est battu. Le Japon est pour eux le meilleur pays au monde, avec le peuple le plus intelligent. Ils s'en persuadent et font tout pour être les premiers en tout. Ce comportement explique en partie pourquoi les produits étrangers ont du mal à s'implanter au Japon, ils sont persuadés que leurs produits sont les meilleurs. J'en souris parce que je ne suis que de passage, et ce qui m'intéresse est la découverte de la vie des populations, avec les bons et les mauvais côtés.

 

Le travail à la japonaise : la majorité des gens travaille 6 jours sur 7 et beaucoup de magasins sont ouverts 7 jours sur 7. Dans l'administration on ne travaille que 5 jours, le samedi et le dimanche étant libres. Le temps de travail légal est de 44 heures par semaine (39 en France), mais on me dit que beaucoup font plus sans se faire payer les heures supplémentaires. Ces dernières sont un peu comme en France, + 25% pour les premières, + 50% au-delà d'un certain nombre. Le japonais ne cherche pas à changer de travail comme chez nous. Changer d'entreprise ici tous les 3 ou 5 ans dévalorise le travailleur. Ils restent bien souvent à vie dans la même entreprise en essayant de gravir les échelons.

Le niveau d'étude est en moyenne très élevé et cela pose des problèmes à la société car les jeunes veulent être des "cols blancs" et refusent les travaux manuels. On voit beaucoup de femmes "terrassiers" qui travaillent sur les routes et ils importent de la main-d'œuvre étrangère, principalement des coréens.

Les congés payés légaux sont d'une semaine l'été et quelques jours au nouvel an (sans doute un pont). Certaines personnes arrivent à prendre quelques jours en plus au printemps, mais attention, celui qui veut prendre tous ces congés est souvent mal perçu par la direction. Les entreprises incitent même à ne pas prendre ces congés, sans aucune compensation. Je suis passé voir André, un copain d'enfance marié à une japonaise qui tient une boulangerie importante dans le sud du pays – une vingtaine de salariés. Les employés ont seulement 2 jours de congés au nouvel an – …….."il manquerait plus que ça maintenant qu'ils se mettent à prendre leurs congés payés" (texto de la bouche d'un Français).

 

Les salaires sont au minimum de 5 à 6000 F mensuel, et avec 14 mois payés. Les habitudes de consommation sont particulières. Le japonais achète plein de gadgets, il veut posséder le dernier cri, le bas de gamme ou le premier prix ne l'attire pas. Lorsqu'il va au restaurant, le menu le plus cher est le meilleur, c'est-à-dire que le prix a autant d'importance que ce que l'on mange.

Les entreprises se livrent une concurrence sauvage. Le nombre de faillite est très élevé mais cela fait partie de la règle du jeu. Il faut toujours innover et d'après mon ami boulanger, ils sont les rois de la terre, ils ont toujours une idée nouvelle. Exemple, en France on dispose de produits en boulangerie qui varient très peu, y compris en pâtisserie. Ici, si on ne sort pas un produit nouveau par mois on ferme la boutique. Le japonais est très dur en affaire mais très commerçant. Comparativement à eux, les européens ont tendance à se reposer sur leurs lauriers – attention au réveil !

 

Le marché des voitures : Le contrôle technique des voitures est très sévère au-delà de 5 ans d'âge et oblige les propriétaires à un entretien régulier et très coûteux. De ce fait, les voitures d'occasion se vendent difficilement. Alors, on les expédie par bateaux entiers sur tous les pays d'Asie à un prix abordable pour eux. Résultat : au Pakistan plus de 95 % des véhicules sont japonais. Ces pays d'Asie vont progressivement réclamer des véhicules plus récents et des véhicules neufs et je souhaite bonne chance aux constructeurs européens pour essayer de s'implanter en Asie. Quand on imagine le potentiel que peut représenter l'Asie pour les 20 ou 30 prochaines années, je ne serais pas surpris si dans 20 ans une voiture sur deux dans le monde soit japonaise.

Avec le même raisonnement commercial, le japon envoie des bateaux entiers de vieux moteurs dans les écoles en Afrique – histoire de familiariser les futurs mécanos aux véhicules japonais.

80% des véhicules qui roulent au Japon sont des voitures automatiques. La limitation des vitesses et la densité de population fait que si vous roulez avec une voiture à boîte de vitesse classique, vous êtes en permanence en train de changer de vitesse, comme on le fait chez nous en ville.

 

La boulangerie d'André : c'est une boulangerie de luxe avec du pain français. C'est difficile car la concurrence est rude. Il a été associé pendant 7 ou 8 ans à un japonais "véreux" et a racheté sa part l'année dernière, si bien qu'il s'est endetté et rame un peu pour faire surface. Sa boulangerie a une excellente image de marque et c'est encourageant. Son handicap : il parle le japonais sans trop de difficultés mais il ne peut le lire ni l'écrire. Il est obligé de confier la gestion à d'autres et on lui présente les résultats en japonais – alors on doit lui expliquer – en fait il ne contrôle pas grand-chose de la gestion – il est obligé de faire confiance. C'est sa femme qui s'occupe des papiers et de la comptabilité, mais l'entente n'est pas toujours très cordiale.

Dans la boulangerie, les clients se servent eux-mêmes. Des plateaux sont disposés à l'entrée avec des pinces à gâteaux pour éviter d'y toucher à la main. Ils font le tour du magasin, se servent et présentent le plateau à la caisse. Ainsi le client est libre comme dans un supermarché, et pour André lorsqu'on se sert tout seul, on sort du magasin avec toujours plus de marchandise dans son sac.

André est marié à une japonaise et est ici depuis plus de 20 ans. Ils ont 2 filles, 5 et 15 ans. Ils travaillent tous les deux tous les jours, sauf le mardi. J'ai dormi 4 nuits chez lui, mangé du très bon pain et de bons gâteaux, bu du bon café au lait, ……… c'est incroyable ce que l'on peut oublier les bonnes choses. Un seul point plus sombre – je n'ai pas été très bien accueilli par sa femme – mais c'est la même chose pour tous ses amis français. Nous avons passé du très bon temps ensemble – beaucoup trop court pour lui – il est tellement pris par son travail. Ce n'est pas évident d'être déraciné. Il me parlait de toutes les difficultés qu'il rencontrait en permanence, - " ici, je n'ai pas vraiment de copains – le japonais ne s'amuse pas comme le français, ses réactions sont différentes. Même si je suis très bien intégré, très bien considéré par tout le monde, je reste et resterai toujours l'étranger. En plus, le problème de langue n'arrange rien – je parle couramment le japonais mais je ne le possède pas comme si j'étais né ici. Très souvent même dans ma famille, en discutant il y a des mots que je ne comprends pas. Alors, bien sûr, on demande des explications, mais au bout de 5 ou 6 fois ça devient agaçant pour tout le monde et on ne demande plus. C'est ainsi que par moment, je me sens exclu de la conversation, même dans ma propre famille avec mes enfants. C'est dûr quand ça dure des années, toute une vie".

Le fait que je passe le voir a été pour lui une grande joie,……et partagée – même si on ne s'était pas revu depuis plus de 20 ans. C'est la "France" qui se rencontrait.

 

J'ai modifié ma façon de voyager en stop au bout de 10 jours environ. Au début, je m'arrêtais tôt en fin d'après midi pour trouver un endroit correct où poser ma tente, jusqu'au jour où l'on m'a offert l'hospitalité pour la nuit. Je me suis dit que si je voyageais plus tard, jusqu'à la nuit, j'avais des chances de me trouver invité de temps en temps chez l'habitant. Et c'est ainsi qu'en 7 semaines de séjour au Japon, j'aurais passé 11 nuits sur le tatami – avec repas du soir et petit-déjeuner le matin.

Les maisons sont dans l'ensemble assez simples et petites. Je m'attendais à découvrir des intérieurs très sophistiqués, mais je pense réellement que la maison française est plus confortable et plus grande. Et attention pour les grands, la hauteur des portes est autour de 1,80 m.

On n'entre jamais dans une maison japonaise avec ses chaussures, on marche en chaussettes. Le voyageur peut se sentir quelquefois mal à l'aise avec des chaussettes de 3 jours qui commencent à sentir les pieds (du vécu).

Le repas est pris assis en tailleur sur le tatami, ou moquette très épaisse, autour d'une table basse. J'ai toujours autant de difficultés pour m'asseoir en tailleur. Le repas se déroule un peu comme en Chine – les plats sont disposés au centre où chacun pioche avec ses baguettes.

Le thé japonais se boit sans sucre ni lait, comme le thé chinois. C'est difficile au début mais on s'y fait. De temps en temps, on nous offre le vrai thé fait à l'ancienne avec des grains de riz infusés et quelques autres plantes. Ce n'est pas mauvais mais je préfère encore le bon café français.

Pour dormir, point de lit comme chez nous, on dort par terre soit sur un tatami soit sur un petit matelas que l'on enroule au petit matin. C'est une couchette plutôt dure mais qui me convient bien.

J'ai fait l'expérience du WC chauffant ! – gadget, mais pas désagréable. Une résistance est intégrée à la lunette des WC et maintient le siège à la température de votre postérieur. C'est un bien être – je ne sais pas si cela a une fonction médicale !

Le bain japonais : C'est un bain spécial qui n'est pas prévu pour se laver. On commence par passer sous la douche pour se laver entièrement et ensuite seulement on entre dans le bain. Le bain est……. brûlant. Une personne normalement constituée ne peut pas y entrer en 5 secondes, sauf le japonais. Une résistance électrique maintien l'eau à température. Quand vous sortez du bain vous ne videz surtout pas la baignoire car elle sert à toute la famille.

 

Le japonais n'est pas décontracté. Les gens rient peu et ont souvent des têtes d'enterrement. C'est vrai qu'à Paris on trouve un peu la même chose avec métro-boulot-dodo, alors qu'en province, nous avons une vie plus relaxe. André me disait qu'aux mariages les gens sont sérieux et ne s'amusent pas comme en France. Tout est dans la présentation, dans la tenue, ça manque de vie et de simplicité. C'est un côté de la culture japonaise.

 

Une soirée chez l'habitant : Pris en stop et invité à dormir dans la famille, j'accompagne l'homme à une réunion d'association dans une salle des fêtes. Je n'ai rien compris, mais c'est normal. Nous sommes assis sur les tatamis avec thé et petits gâteaux. La réunion se termine, les femmes font la vaisselle et j'aide à ranger avec les hommes. Nous rentrons, la mère part dormir dans la chambre avec l'enfant de 2 ans environ et le mari dort avec moi sur un tatami dans la cuisine. J'aurais rencontré plusieurs fois cette situation où le mari ne couche pas avec sa femme. J'en réfère à André qui me dit que c'est une situation courante – beaucoup de femmes japonaises découchent après le premier enfant pour dormir avec celui-ci et s'y consacrer pleinement. Elles ne reviennent pas toujours après dans le lit conjugal et il y aurait beaucoup d'hommes japonais à dormir seul, les enfants prenant la place du mari (à vérifier ?).

Dans cette famille, le mari n'est pas sorti de devant sa télé de la cuisine. Le matin vers 7 h il est allé réveiller sa femme pour qu'elle nous prépare le petit déjeûner. Elle est arrivée dans la cuisine les yeux à peine ouverts et nous a préparé ce repas pendant que nous regardions la télévision du matin, avec 50 % de publicité. J'étais plutôt gêné.

 

Dans beaucoup de couple, l'homme travaille et ramène le salaire à la maison – la femme s'occupe de la maison, des enfants et sert l'homme. Celui-ci revient à la maison pour manger et dormir, mais passe la majorité de son temps libre à l'extérieur avec les copains, à jouer au pachinko (machines à sous) où il y laisse beaucoup d'argent, et à boire. Le japonais boit et fume beaucoup – j'ai été très surpris. Comparativement aux français, il boit pour prendre une cuite, comme s'il voulait oublier tous ses soucis de la journée.

 

Petit tour chez le dentiste : Depuis quelques semaines, j'ai un petit espace qui se creuse entre une couronne et une dent et je profite de mon passage au Japon pour effectuer un contrôle. La salle d'attente est composée de tatamis et tout le monde est assis par terre. Les chaussures sont restées dans l'entrée et nous sommes pieds nus ou en chaussettes. Il est grand temps que je jette cette paire de chaussettes à trous, ça commence à faire négligé.

Je m'attends à payer très cher et finalement, je ne paierais que 40 F. Je ne saurais jamais s'il s'agit du tarif exact ou seulement du complément de prix que paie le client ?

Côté hygiène ce n'est pas top, ses ustensiles servent pour tout le monde. J'ai du mal à croire que c'est général au Japon tellement ils sont à cheval sur la propreté.

 

Us et coutumes : Alors que chez nous la mode est à la peau plutôt bronzée, la femme japonaise cherche à garder la peau la plus blanche possible. Pour ce faire elle se maquille au point d'apparaitre comme un vrai "Pierrot" et elle cherche à se protéger des rayons du soleil, avec une ombrelle, des gants qui lui remontent presque jusqu'aux épaules, un large chapeau, etc. Celle qui travaille en plein air porte une cornette qui lui protège le visage du soleil. La femme bronzée est considérée comme sortant de sa brousse ou de sa campagne.

Une femme qui m'avait pris en stop et avait les bras nus s'est mise, en conduisant, à enfiler les deux manches de son gilet en le gardant devant elle. Je lui demande si elle avait froid et elle me répond : "non, mais il fait du soleil et ……..je suis une ladie", sous entendu je ne dois pas bronzer.

 

Je visite deux volcans dont le plus impressionnant "Aso San" qui crache de la fumée chargée de cendres. J'en approche à 500 m environ – une épaisse couche de poussière noire recouvre la route et il pleut – c'est plutôt désagréable.

Sur la route du retour, je m'arrête dans un petit village paumé où un conducteur m'a déposé. C'est à flanc de montagne, il pleut et pas un mètre carré de plat pour poser ma tente. Après une heure de recherche un homme âgé, qui avait sans doute compris ce que je cherchais, vient vers moi et me guide vers une maison vide. Il ne parlait pas un mot d'anglais mais qu'est ce que j'ai apprécié car il a plu pendant presque 24 heures sans discontinuer. Je ne suis sorti que le lendemain en milieu d'après midi.

J'ai subi environ 15 jours de la vraie saison des pluies dans le sud et je ne peux pas dire que c'est idéal pour voyager en stop. La pluie tombe sans discontinuité pendant des jours entiers au point de rester sur place des demi-journées dans des gares, des ports ou des parkings abrités à attendre une éclaircie. Mais malgré tout le fait de vouloir vivre toutes les situations m'aidait à passer ces moments un peu plus difficiles.

 

La difficulté d'enseigner : le tempérament des êtres diffère d'une société à une autre. Un américain, professeur d'anglais à Sapporo, me disait qu'il était très difficile d'enseigner au Japon – les élèves sont muets – ils ne participent pas en cours. L'oral d'anglais est très pénible, les enfants ne parlent pas.

 

Au Japon j'aurais dormi un peu n'importe où, je me demande si j'avais des limites – sous les ponts (dans ma tente), sur les parkings, sur les terrains vagues, dans les abris-bus, sur les aires d'autoroute, dans l'entrée des temples bouddhistes (sous la protection de Bouddha), dans les WC pour handicapés (*), dans des maisons abandonnées, etc.

(*) Camping 3 étoiles en centre ville. Les toilettes sont à l'image du pays, c'est-à-dire très proprse. En repérant à l'avance et occupant les lieux de 10 heures du soir à 6 heures du matin, vous êtes sûr de ne pas déranger, les handicapés sont chez eux. Vous disposez d'un endroit spacieux pour poser votre matelas, sécurisé, avec WC et lavabo.

 

Une réflexion d'un japonais de 44 ans au sujet des vacances : "les jeunes ne veulent plus travailler comme nous - la société évolue au Japon. Autrefois, nous n'avions pas beaucoup de vacances, mais maintenant beaucoup de japonais arrivent à avoir plus de 100 jours de vacances par an". Quoi ! je n'ai pas très bien compris ? "Oui, oui, plus de 100 jours par an - nous avons le samedi et le dimanche, multiplié par 52 semaines".

Alors, allez dire après cela que les japonais ne prennent pas de vacances !

 

Tokyo sera ma dernière étape et je ne regrette pas mon choix d'être parti vers la province avant la capitale. C'est une ville difficile pour l'étranger, le nom des rues est compliqué à trouver, il faut beaucoup de patience et souvent demander son chemin. Je ne suis autorisé à rester plus de 3 nuits au mini hôtel où je suis – il faut faire de la place me dit-on.

Je quitte Tokyo avec des images de cette ville incrustées dans ma tête : La traversée des cols blancs sur les passages pour piétons au moment du repas le midi. Le remplissage des rames de métro dans certaines stations où les employés poussent les derniers entrants pour pouvoir fermer les portes. La discipline devant les portes de métro où les entrants attendent en file indienne que les passagers soient descendus, et entrent ensuite en file indienne – etc. etc.

 

Voyager au pays du soleil levant est compliqué et très onéreux. Un jour, je rencontre dans un train 2 jeunes anglais qui me parlaient de leurs difficultés à voyager et se plaignaient de ne pas rencontrer vraiment la population. C'est vrai que le japonais en général est timide et donne l'impression d'avoir un complexe d'infériorité vis-à-vis de l'occidental. L'école leur apprend à lire et écrire l'anglais mais il le parle très mal. Tout cela les amène à s'éloigner des étrangers plutôt que d'aller à leur rencontre. L'hôtellerie et les transports sont très chers et le budget des touristes fond comme neige au soleil s'ils ne sont pas informés du coût de la vie locale.

Je n'ai pas du tout perçu les choses de la même façon. Je voyage seul, et c'est toujours pour moi une obligation d'aller vers les autres. Voyageant en stop la plupart du temps, je bénéficiais sans le vouloir d'une sélection des gens – plus ouverts que la moyenne - et du transport gratuit. J'ai logé dans ma tente ou chez l'habitant environ les 2/3 des nuits passées sur le sol japonais.

J'aurais parcouru environ 7000 km et passé 7 semaines que je ne suis pas près d'oublier.