Australie

Août - septembre 1990

Photos en attente d'être mises en ligne

 

Suite du Japon (mes cahiers écrits sur Singapour, Indonésie et Malaisie n'ont pas été retrouvés)

 

Singapour – une plaque tournante pour le trafic aérien. C'est une place également où les tarifs sont très compétitifs et où je trouve un billet open sur un itinéraire qui me convient bien. Pour un tarif de 5 500 F, j'ai la possibilité de faire des sauts de puce en m'arrêtant le temps que je le souhaite dans chaque ville : Singapour – Jakarta (Indonésie) – Sydney (Australie) - Nouméa (Nouvelle Calédonie) – Auckland (Nouvelle Zélande) – Papeete (Tahiti) – Los Angeles (USA). Mon billet est valable un an.

 

Nous sommes presque qu'à l'antipode de la France. L'Australie, 14 fois notre superficie et peuplée par seulement 16 millions d'habitants. Même dans les régions les plus peuplées, il n'est pas rare de rouler 50 km sans voir une maison. Alors, il vaut mieux être très prudent pour faire du stop et éviter de rester en rade en pleine campagne. Dans certaines régions, le stop est interdit et la police conduit les stoppeurs à la station de bus. On dénombre une dizaine de morts chaque année dans le centre du pays uniquement par imprudence.

 

Arrivé à Sydney le matin, je décide de partir de l'aéroport à pied pour faire du stop en direction de Cambera, la capitale administrative, 300 km au sud. Je marche 4 à 5 km pour rejoindre une route. Le stop ne marche pas très bien. Je ne connais pas le pays et j'accepte des petits trajets pour me retrouver en pleine campagne où il est difficile de repartir. En arrivant ici, je me disais qu'au moins je ne devrais pas avoir trop de problèmes de communication car ils parlent l'anglais. Le premier véhicule qui s'arrête pour me prendre est un pick-up avec 2 pêcheurs à bord. Tout est bon quand vous attendez depuis quelques heures. Je m'installe à l'avant entre les deux et nous engageons la conversation. Je ne comprends – pas – un - mot - de ce qu'ils disent, – par contre, eux me comprennent. Ça promet !

Première nuit dans un camping – il fait très froid. Nous sommes fin août et dans l'hémisphère sud, c'est-à-dire en hiver – équivalent à la fin du mois de février en Europe. C'est une situation que je n'avais pas prévue, bien au contraire, en partant de Singapour, je me suis délesté de quelques habits.

Pendant que je monte ma tente, une grand-mère vient me tenir compagnie et voyant que je suis étranger s'absente et revient un quart d'heure plus tard avec un bon petit plat chaud. Je lui ramène son plat dans sa caravane et engage la conversation. Ma photo de famille a toujours le même effet chez les personnes d'un certain âge : "pauvre petite famille – vous leur écrivez toutes les semaines n'est ce pas ? – vous êtes catholique – oh, c'est bien – et patati et patata…." Mais ce n'est pas désagréable par moment, …… quand ça ne dure pas trop longtemps.

J'ai beau m'enfiler tous les vêtements que je possède, plus ma couverture de survie, j'ai froid toute la nuit. Mon premier souci le lendemain est d'acheter un bon pull.

Quand j'arrive à Cambera, il neige, et pas question de dormir sous la tente – direction l'auberge de jeunesse où je reste 3 nuits.

Cambera est devenue la capitale suite à une bataille administrative entre les deux plus grandes villes du pays, Sydney et Melbourne. Chacune d'elle se disputait le titre de capitale et, n'arrivant pas à se mettre d'accord les élus ont choisi une petite ville située entre les deux, Cambera. C'est une ville, genre ville nouvelle avec d'immenses bâtiments administratifs tous neufs. Je suis descendu jusqu'ici spécialement pour demander un visa pour la Nouvelle Zélande et, - apprendre que je n'en avais pas besoin. Pas question de descendre plus bas, je remonte vers le nord où la température est plus clémente. Les distances sont si importantes ici, plus de 3000 km du nord au sud, que l'on peut se sentir en hiver au sud et en été au nord. Le climat du sud est similaire à celui de l'Europe avec les saisons opposées. Quand au nord, il s'apparente au climat tropical avec seulement deux saisons, la saison sèche et la saison des pluies. Ainsi presque toutes les productions agricoles de la terre sont réunies sur cette terre.

Nous sommes dans l'hémisphère sud - le soleil se lève à l'est et se couche à l'ouest mais en passant par le nord à midi.

 

Je profite de la voiture d'un touriste Suisse Allemand qui remonte vers le nord et qui cherche des passagers pour partager les frais d'essence. C'est une coutume qui est très répandue dans ce pays et tout le monde est gagnant. En une journée je remonte de 600 km.

Le stop est toujours aussi difficile et les gens nous arrêtent n'importe où.

De nombreux kangourous morts bordent les routes, c'est la peste des automobilistes. Ils traversent les routes la nuit et se font tuer comme des lapins, avec une différence de poids, puisque les gros pèsent de 50 à 80 kg. Dans le centre du pays ce sont les vaches que l'on trouve mortes sur le bord de la route. Les voitures et les camions sont équipés de pare-chocs spéciaux pour faire face à ces masses de chair.

La viande est très bon marché ici et provient des grandes étendues où les "cowboys" n'ont juste qu'à entretenir les points d'eau et prélever les animaux assez âgés pour assurer une finition, un engraissement final. Quand je vois les éleveurs français manifester pour les prix de vente, sans protection douanière le combat est perdu d'avance.

 

Les habitants de la province du Queensland sont plutôt décontractés, la norme vestimentaire paraît le moindre de leur souci. Dans les banques, alors que les employés sont en tongs, short et T-shirt bariolés, un éleveur peut se présenter avec ses bottes pleines de fumier. C'est sans complexe, mais, – qu'est ce que c'est lourd, dans tous les sens du terme – les démarches – les tenues – on ne s'embarrasse pas avec le superflu, y compris les femmes.

 

L'australien prend quelqu'un en stop lorsqu'il a besoin de compagnie. Je n'ai jamais été pris par une famille. Un jour, je suis pris par un homme qui tractait un bateau. Au bout de quelques minutes je comprends qu'il a accepté de me prendre pour éviter qu'il s'endorme au volant. Il a encore une dizaine d'heures à conduire avant d'arriver chez lui. Je joue le jeu et j'alimente la conversation sur tout le trajet. Au final, je passe 2 nuits chez lui et une nuit chez ses parents à 100 km plus au nord. Il suffit quelquefois de peu de chose pour briser la glace.

 

Le nord-est du pays est un paysage de champs de canne à sucre. Sur plus de 500 km en remontant vers Cairns, la canne à sucre représente 80 % des cultures. La canne est plantée pour un minimum de 3 ans avec une récolte par an. Les plantations sont planifiées pour alimenter les usines 6 mois par an. Ils cultivent la même plante depuis plus de 20 ans sur la même terre (monoculture) en rééquilibrant le sol pour maintenir les rendements. Des lignes ferroviaires relient les champs aux usines espacées tous les 20 km environ. La région est un maillage impressionnant de rails.

Un agriculteur m'expliquait que cette région est inondable. A la saison des pluies il peut tomber jusqu'à 20 cm d'eau en 24 heures. Il a vu des plaines entières recouvertes de 2 m d'eau. Il n'y a plus de ruisseau, c'est un étang qui se forme et cela met 2 ou 3 jours pour se retirer. Pendant ces fameux jours, des milliers de personnes sont bloquées chez elles. Ce n'est pas une catastrophe, c'est juste la saison des pluies.

 

Early Beach, au nord de Mackay, je décide de me poser un peu au bord de la mer. Je prends un petit hôtel pour voyageurs en sac à dos. On les appelle des backs parkers. C'est une sorte de petite auberge de jeunesse privée. Je loge dans une chambre avec 3 autres personnes.

Je m'inscris pour une petite croisière d'une journée pour découvrir la baie avec baignade en pleine mer et jeux divers. Je me prépare le matin en emmenant le minimum avec moi – sachant que quand je serais à l'eau, mes affaires seront mélangées aux autres. J'hésite entre mettre mes affaires de valeur, plus mes papiers à la réception ou cadenassées dans mon sac à dos, et - finalement j'opte pour la deuxième solution.

La croisière se déroule normalement et nous rentrons à l'hôtel, ……… plus de sac, il a disparu. Comme dans beaucoup de ces backs parkers il n'y a pas de clé sur la porte. Le voleur a vu un sac fermé à clé et a tout simplement emporté le sac. Il me reste mon jean avec quelques habits sur mon lit. Je récupère bien vite dans une fente secrète de mon jean une carte d'identité pliée, un billet de 100 $ et quelques numéros de téléphone "en cas de vol".

Je téléphone le soir même pour signaler le vol de ma carte de crédit American express, mes traveller's chèques American express et ma carte de crédit master-card. Le responsable de l'hôtel me dit qu'il ne peut rien faire pour moi, que ce n'est pas de sa responsabilité. C'est toutes mes affaires de voyage utilisées pendant 9 mois qui s'envolent – un peu comme si ma maison avait brûlé. Plus de passeport, de tente, d'appareil photo (le 3ème), de jumelles, et toutes les petites choses précieuses au quotidien pour le voyage. J'ai le moral au plus bas et je me sens seul.

Le lendemain, c'est dimanche, je vais pour faire une déclaration de vol à la police du village pour m'entendre dire qu'il faut aller à la ville la plus proche car ici ils ne délivrent pas de reçu de plainte pour vol. Le lundi matin, je prends le bus pour la ville, un petit sac plastique en guise de bagage. Surtout que personne ne me parle, sinon je fonds en larmes.

A la police, j'obtiens ce reçu qui me permet de continuer à voyager dans le pays sans passeport. Au bureau d'American express, ma déclaration de l'avant-veille est bien enregistrée et, surprise, j'obtiens sur le champ une nouvelle carte de crédit et de nouveaux traveller's chèques, ……. un service exceptionnel – très pro.

Je suis un peu déboussolé - très susceptible – je soupçonne tout le monde autour de moi d'être un voleur en puissance. Par moment, je pense à stopper mon périple et revenir en France. Puis je me dis que non – si je reviens en France ce sera sur un échec et c'est l'image qui me restera. Il faut tenir le coup, laisser passer l'orage – combien de temps ? Je n'ai pas envie de téléphoner à la famille, j'ai trop peur de craquer, et à distance, j'aurais beau dire que ça va, ils risquent d'être très inquiets pour moi.

Je fais quelques achats pour continuer - le minimum, dont un nouvel appareil photo et une mini tente de camping. Mon malaise durera au moins 2 semaines pour s'estomper progressivement et être en état de téléphoner en France pour donner de mes nouvelles.

J'avais fait une grave erreur de ne pas confier mes affaires de valeur et indispensables à la réception et je l'ai payé cher. Par la suite, j'évitais d'être trop ordonné dans les chambres collectives et de cadenasser mon sac. Quand un voyageur étale ses vêtements sales au sol et sur son lit, personne ne pense à fouiller son sac !

 

Les aborigènes ont du mal à s'insérer dans la civilisation moderne. Seulement un petit pourcentage travaille régulièrement. Le gouvernement leur donne une allocation de subsistance pour ne pas les abandonner, mais on peut se demander si ce n'est pas la façon moderne de les faire disparaître. Ils n'ont rien à faire, trainent dans les centres-villes par dizaines et se détruisent par l'alcool.

Toute une petite région dans le nord-est a été classée "réserve aborigène". Aucun "blanc" n'y vit et il faut un permis et payer très cher pour visiter cet endroit. Ça me rappelle le zoo et ça me met mal à l'aise. Il n'y a pas de route, que des pistes, et tout est fait pour protéger et garder leur culture ancestrale. Je n'ai pas voulu y aller.

 

Je suis sur la route qui mène vers le centre du pays et je reste bloqué une journée à Longreach. A deux heures près, je pouvais faire du stop-avion pour Melbourne, 2000 km au sud. Le responsable de l'hôtel avait un ami qui était parti le matin très tôt avec un petit coucou de 4 places et il était seul. Pour lui il aurait adoré avoir de la compagnie pour ce périple. Survoler l'Australie à basse altitude ne m'aurait pas été désagréable, même si ce n'était pas mon itinéraire.

Je réussi à trouver un véhicule qui me fait faire un bond de 500 km, jusqu'à Mont Isa. Bloqué à nouveau, j'essaie auprès des chauffeurs routiers – sans succès. J'apprends que des stoppeurs sont ici depuis 4 jours et je me décide pour prendre le bus pour Adélaïde, en passant par Alice Springs – presque 2 jours et 2 nuits dans le bus – avec des distances de 300 km entre deux postes d'essence. Tout le monde ici a ses bidons de réserve, eau et essence. Toute cette partie est plus ou moins désertique. Des carcasses de vaches sillonnent le bord de la route. La nature et les charognards se chargent de nettoyer le terrain.

Sur ces tronçons, les camions ont 2 ou 3 remorques, jusqu'à 100 tonnes de marchandise pour un seul tracteur. Il faut quelques km pour lancer le convoi à sa vitesse de croisière et ce n'est pas une vache sur la route qui l'arrêtera.

Dans toute cette région, j'ai l'impression de passer à côté de plein de choses, mais j'ai envie d'avancer et de changer d'air après le vol de mon sac à dos à Early Beach. Quoique je fasse, le pays est si vaste que même en y restant 4 mois je ne pourrais en découvrir qu'une petite partie.

 

Vu à la télévision – l'abattage de moutons par milliers. Ici comme en France, le cours de la laine a chuté – trop de laine sur le marché. Alors, pour maintenir les cours, on abat une partie des troupeaux en contrepartie de primes versées aux agriculteurs. Comme je m'étonnais qu'on les enterre dans de grandes fosses, on me répondit que ce sont des moutons spécialement sélectionnés pour la laine et qu'il n'y a rien à manger dessus. Quel gaspillage ces pays riches !

A la télévision toujours – un avant goût de ce qui nous attend dans la publicité. Le film est coupé 6 ou 7 fois 3 mn par un flash de pub. Mais ils font encore plus fin, ils essaient d'insérer une publicité en rapport avec l'histoire ou le thème du film. Par exemple, s'il s'agit d'un western et qu'au moment de la coupure on se trouve dans les montagnes rocheuses, eh bien, sans aucun avertissement pour le téléspectateur, on enchaine une pub tournée dans les rocheuses, si bien que vous êtes rivés sur votre écran et ne réalisez que 10 ou 15 secondes plus tard. Je suppose que l'impact sur le cerveau est plus important.

 

Pris en stop dans le sud par un couple de retraités agricole, dont la ferme avait été reprise par leur fils – une petite ferme me disent-ils. Il n'a que 800 ha avec 1500 brebis. Il laboure environ 400 ha chaque année et cultive beaucoup de blé, avec un rendement de 25 quintaux à l'hectare (3 fois moins qu'en France). Deux personnes seulement travaillent sur la ferme.

 

Je m'arrête 2 jours à Adélaïde où je visite quelques vignobles, mais je sens que mon esprit n'est plus comme en entrant et qu'il me faut un changement profond pour me remotiver. Je passe 2 jours également à Melbourne et direction Sydney où je dois m'occuper de récupérer de nouveaux papiers. Je ne sais pas combien de temps cela va me prendre et j'attends pour réserver une place pour Nouméa en Nouvelle Calédonie. Après un premier passage, je reviens au consulat français avec 2 photos d'identité et mon attente aura duré 20 mn exactement avant de recevoir un nouveau passeport provisoire, valable pour 6 mois. Ouah ! bravo la France. On me dit quand même que sans ma carte d'identité, j'aurais pu attendre près d'une semaine. Je peux donc réserver mon siège pour Nouméa.

Je me pointe quelques heures avant à la douane car j'ai changé de passeport. Mon nouveau ne correspond pas au numéro enregistré à l'entrée dans le pays. Aucun problème Monsieur, votre passeport volé à bien été enregistré dans mon fichier. Mais il peut se faire qu'une autre personne vit actuellement en Australie sous votre identité ! Bon voyage Monsieur.