Nouvelle Calédonie

Septembre 1990

Mon circuit en rouge (cliquer pour agrandir)
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Suite de l'Australie

 

Arrivé le 28 septembre 1990, à 6 heures du soir, je suis tout heureux de parler français. Ici les étrangers n'ont pas la tache facile car tout le monde parle français et il est difficile de trouver quelqu'un qui parle anglais en dehors de Nouméa. La Nouvelle Calédonie est réputée très onéreuse et mon premier contact ne l'a pas démenti – le bus nous demande 80 F pour parcourir les 40 km qui sépare l'aéroport de la capitale. Avec un autre Français, nous avons tout simplement fait du stop, et fait le trajet dans la benne d'un pickup. L'auberge de jeunesse nous coûtera 50 F la nuit. Je ne connaitrais jamais le tarif de l'hôtellerie dans les terres car j'ai toujours dormi sous ma tente ou chez l'habitant.

 

Nous sommes vendredi soir et je suis bloqué à Nouméa jusqu'au lundi, faute d'argent français. Je n'ai plus qu'une carte American express et j'ai des problèmes car je ne peux retirer que dans les bureaux American express. Au crédit agricole on ne veut pas me donner d'argent liquide sans avoir un chéquier. Il parait que ce chéquier n'est demandé qu'aux Français – qu'ils aillent se faire f….. ! Donc, pour retirer de l'argent il a fallu que je laisse 5% de commission, comme si j'achetais quelque chose avec ma carte.

Lundi 1er octobre, départ en stop pour le tour de la "grande terre", qui est le nom de la grande île de la Nouvelle Calédonie. C'est ma première rencontre avec les locaux et je ne sais pas comment aborder les gens avec les problèmes de relations entre les groupes et ethnies. Je les laisse aborder le sujet pour ne pas faire d'impairs – et je m'aperçois qu'ils sont dans l'ensemble très à l'aise. Pour rappel, en mai 1988, un groupe de Kanaks prend en otage une gendarmerie sur l'île d'Ouvéa et se réfugie dans une grotte. Au bout de quelques jours la France lance un assaut et tue 19 Kanaks. Cela fait grand bruit à l'époque – en pleine période d'élection présidentielle.

Le stop fonctionne bien et me permet de rencontrer des habitants que je n'aurais jamais côtoyés en voyageant différemment – kanaks, militaires en retraite, caldoches, métros, oreilles, calédoniens, indigènes, colons, etc. – il y a où perdre son latin. J'avoue qu'en France, je confondais un peu tout le monde et j'apprends à différencier toutes ces catégories.

 

Voici les différents groupes – on peut les classer en 4 familles.

1 - Les indigènes ou kanaks ou mélanésiens – c'est la même chose. Ils étaient les premiers à habiter en Nouvelle Calédonie, bien avant les blancs. Ils sont en principe noirs comme Jean Marie Tjibaou, mais avec les années on y trouve beaucoup de métis.

2 - Les caldoches ou Colons. Ce sont des blancs, souvent très bronzés et quelquefois métissés. Leur origine remonte à deux siècles environ, du temps des bagnards et des prisonniers déportés. Beaucoup sont restés sur place après leur libération et ont peuplé. Se sont rajoutés à cette première vague tous les immigrants européens, français pour la plupart, pendant deux siècles. Ils détiennent une grande partie du pouvoir économique, des terres, des usines, etc. Ils sont travailleurs alors que les kanaks sont plutôt fainéants – ils avaient l'habitude de vivre avec la nature.

Ces deux premières familles forment les calédoniens – c'est-à-dire ceux qui habitent sur l'île depuis plus d'un siècle.

3 - Les métros ou oreilles. Ce sont tous les fonctionnaires qui travaillent dans l'île. On les nomme les oreilles car ce sont eux qui renseignent la France sur ce qui s'y passe. Beaucoup sont là pour quelques années pour profiter du climat et se faire de l'oseille. Ils n'avaient pas le droit de vote aux dernières élections sur l'île au dessous de 10 années de présence.

4 - Les autres ethnies minoritaires qui sont venues de l'extérieur pour trouver une terre où vivre. On y trouve les chinois, les vietnamiens, les maoris, les guinéens, les woualaisiens, etc. Ils sont surtout arrivés au moment du boum du nickel en Nouvelle Calédonie – une période où l'île manquait de travailleurs – dans les années 60. Ces "étrangers" ne sont pas impliqués dans les troubles locaux, mais ils ont malgré tout un pouvoir économique car beaucoup sont des commerçants.

 

Les deux principales familles sont la 1 et la 2, avec des tempéraments très différents. Les kanaks avaient l'habitude de vivre presque sans travailler – et c'est encore possible aujourd'hui. Ils pêchent, cultivent un bout de champ, cueillent les fruits de dame nature et ……. reçoivent les allocations familiales à la française.

La pêche – un coin de paradis où le poisson saute presque dans le bateau. Sur l'île d'Ouvéa, un kanak me disait qu'à 4 personnes en 3 ou 4 heures ils arrivent à pêcher 200 kg de poisson à la ligne. Si ça ne mord pas dans les 15 secondes, c'est que tu n'es pas au bon endroit, alors tu changes de coin.

Ils construisaient leur maison (hutte) avec ce qu'ils trouvaient dans la nature. Une petite minorité pratique encore ces constructions aujourd'hui.

Allez demander à ces gens de travailler 8 heures par jour en usine avec des conditions de vie comme ça – vous perdez votre temps.

A côté, il y a les colons (caldoches) qui travaillent et bien sûr possèdent les richesses, les mines, les usines, et prennent toutes les terres non exploitées. Ça devait éclater un jour. On n'est pas loin de la situation de l'Afrique du Sud avec une minorité blanche qui possède presque tous les pouvoirs. Seulement là, les kanaks ont droit de vote, et depuis les dernières élections ils sont majoritaires dans deux régions sur trois – et……. ils décident ! C'est un pouvoir politique, mais pas vraiment économique.

C'est ainsi que l'on trouve, selon les dires des oreilles (métros), des kanaks qui siègent à la région avec une indemnité de 30 000 F par mois, sans aucune compétence. La démocratie n'est pas simple – cela passe malheureusement dans ces pays par l'incompétence.

 

La Nouvelle Calédonieest divisée en 3 régions : le sud de la grande terre, où les caldoches sont majoritaires (Lafleur) – le nord de la grande terre où se trouve une grande partie des mines de nickel, mais n'a aucune infrastructure, aucune usine. Tout le minerai est acheminé sur Nouméa pour y être traité, et, avec la chute des cours il n'est pas question de créer une autre usine dans le nord. Cette région est tenue par les kanaks que les blancs (métros) disent incompétents. Enfin une troisième région – les îles Loyautés, avec Marée, Tiga, Lifou et Ouvéa. Il semble que cette région a été créée artificiellement pour donner du pouvoir aux kanaks. Elle représente 10 % de la population de la Nouvelle Calédonie avec 95 % de kanaks. Un responsable politique du "Fulc", branche dure du FLNKS (kanaks) qui en compte 6, me disait que dans les îles Loyautés on ne voyait pas la couleur des milliards distribués par la France et que les responsables élus étaient bien incapables d'expliquer pourquoi, tellement le poids de l'administration était important.

Personne ne croit ici à l'indépendance possible en 1999, comme les accords le prévoient. La France fait tout pour amener la population à penser que sans elle ce sera le cahot, et c'est d'autant plus facile à croire pour eux qu'un pays voisin, le Vanuatu, a son indépendance depuis 1980, et c'est la faillite complète avec des gens non préparés et incompétents. Comme j'étais à l'auberge de Nouméa, j'ai rencontré un instituteur français en poste au Vanuatu. Il me disait que dans cette île il n'y avait aucune ressource et le gouvernement n'a pratiquement pas de budget pour gérer le pays. Le pays est amené à demander des aides à l'extérieur, comme à la France. Il m'expliquait qu'avec ses collègues ils avaient entrepris une étude des naissances pour savoir combien il y aurait d'enfants à l'école dans 5 ans. D'après les calculs des enseignants, il faudrait créer 140 classes d'ici 5 ans. Avec ces chiffres, ils sont allés voir le ministre de l'éducation pour lui faire part de leur résultat. Réponse : "qu'est ce que vous voulez que je fasse de tous ces chiffres" ?

 

Le problème de la Nouvelle Calédonie est seulement repoussé, le fond n'est pas réglé, mais personne ne veut mettre les pieds dans le plat. En ce moment, c'est calme et tout le monde souhaite que cela dure. On finance à tour de bras et c'est Nouméa, la ville, qui en profite le plus – cette région représente plus de 60 % de la population. Les responsables voudraient former les "gens de la brousse" mais ils ne sont intéressés par aucune formation. Cela me semble dommage car le rééquilibre des pouvoirs sur l'île passe le rééquilibrage de la formation. Le kanak a eu une vie trop facile, vivre avec ce que dame nature nous donne, et n'a pas le goût de l'effort. En plus, dans toutes les "tribus", l'alcool est un vrai fléau.

 

A Bourail, commune située vers le centre de la Grande Terre, un kanak me fait visiter la région. Les tribus, me dit-il, ont été repoussées peu à peu dans les montagnes par les colons qui achetaient les terres et cultivaient les plaines. Ce qu'ils appellent plaines ici, n'est pas vraiment plat, mais plutôt vallonné. Comme environ 80 % de la surface de la Grande Terre est composée de montagnes je comprends pourquoi ils nomment plaines les parties vallonnées. On découvre les habitations des colons - certaines ont été désertées après les évènements de 1984-1985. Des kanaks ont aussitôt récupéré les terres, mais au bout de 2 ou 3 ans, elles sont redevenues de la friche par manque d'entretien. Mon "guide" du moment était chauffeur d'ambulance et avait tourné sa veste depuis qu'on lui avait tiré dessus en voiture. Il me disait : "tu vois, ils veulent les terres mais ils sont trop fainéants pour les entretenir". La tribu, dans leur langage, est un peu comme une grande famille ou un village. La taille varie de 50 à 100 personnes, parfois plus, et il est difficile de savoir où ça s'arrête car des gens partis travailler à 50 km depuis 20 ans se considèrent toujours de la tribu X, tout en n'y vivant plus. C'est un peu comme les Bretons qui sont éparpillés un peu partout en France et se sentent Bretons à Marseille ou à Lille, autant sinon plus qu'en Bretagne.

Les règles de la tribu changent, les coutumes se perdent, et dans certaines tribus, le chef n'est même plus écouté par les jeunes. Tout le monde regrette ce changement car c'était pour tous une source de stabilité. L'alcool fait beaucoup de mal. Ce kanak me signale des chefs qui ne dessoûlent pas alors qu'ils sont censés montrer l'exemple dans la tribu.

Pour mon guide kanak : "si les français nous abandonnent, ce sont les australiens qui les remplaceront et on n'en veut pas". D'ailleurs, ils sont soupçonnés par beaucoup ici d'attiser le soulèvement des kanaks.

Avec une femme kanake, environ 50 ans, qui m'avait pris en stop avec sa fille, nous parlions des gens du pays, et elle me disait que beaucoup de militaires restaient au pays et se mariaient avec des filles kanakes "noires". Elle a ajouté en levant les yeux au ciel : "ça donne de beaux enfants". C'est banal, mais sorti de la bouche d'une femme kanake cela avait un sens très fort pour moi. Quand je parle de kanaks noirs, il ne faut pas penser qu'ils sont noirs comme en Afrique – c'est en fait une couleur qui est dure à définir, cela va du type bien bronzé comme moi l'été, au noir-noir – on ne compte plus le nombre de croisement dans le passé.

Un arbre que l'on n'a pas l'habitude de rencontrer chez nous est une fougère de 8 à 10 m de hauteur et qui ressemble un peu à un palmier, avec un vrai tronc.

Koumac, un village au nord de la grande terre où je me pointe chez Réné Racine, éleveur de pigeons voyageurs et ancien président de l'association des éleveurs de pigeons de Nouvelle Calédonie. Il fait partie de la catégorie des "oreilles" depuis 10 ans. Ma visite les surprend un peu mais ils sont contents de me rencontrer et j'ai droit à un séjour complet pendant deux jours. Il est conseiller de développement en agriculture, ce qui donne un bon sujet de discussion sur la Nouvelle Calédonie en dehors du pigeon. Sa femme est infirmière au collège, un couple idéal pour vous donner plein d'infos sur le pays – une oreille quoi ! Ils se plaisent beaucoup dans la région mais envisagent de se rapprocher de Nouméa quand leur aîné aura l'âge d'entrer en 6 ème. Ils sont logés par l'administration (eaux et forêts), bénéficient d'une voiture de fonction, vont à la chasse aux cerfs, à la pêche aux requins, et n'ont jamais assez de temps pour les loisirs. Quand au salaire de Monsieur, je ne le connais pas, mais un de ses amis éleveur de pigeons aussi et à la retraite, à travaillé 30 ans en tant que fonctionnaire en Nouvelle Calédonie et touche une retraite de 20 000 F par mois. Il est quelquefois préférable que les kanaks ne sachent pas tout, cela risquerait de leur donner quelques arguments supplémentaires.

Nous passons la matinée dans le centre de formation militaire de Koumac où l'armée a créé une école d'agriculture pour la formation des jeunes pendant le temps de l'armée. L'idée est géniale en soit, proposer un an de formation en remplacement du service militaire - mais ce qui ne l'est pas est de confier cela aux militaires. C'est très décontracté mais la hiérarchie doit être respectée. Exemple – si le brigadier responsable des pigeons juge qu'il faut commander des aliments, il doit en informer le sergent, qui en informera le lieutenant, qui transmettra au commandant, qui commandera l'aliment. Si le grainetier répond qu'il faut attendre 15 jours pour être livré, l'information de redescendra pas à l'élevage et tout le monde attendra. En fait, seul le brigadier a une formation agricole et il change tous les ans. Les installations sont copiées sur nos meilleurs bâtiments français et sont complètement inadaptées pour le pays. Le meilleur exemple est la poule pondeuse en batterie. Les responsables tablent sur 5% des stagiaires qui pourront faire quelque chose dans ce domaine après leur passage ici. Quel gaspillage ! C'est la montagne qui accouche d'une souris alors que l'idée de base est superbe.

Je repars de cette maison avec un gros paquet de banane et un pot de miel – objectif la côte Est. Première voiture pour 8 km environ avec des touristes, jusqu'à un embranchement qui me met sur la bonne direction. A partir d'ici, c'est le nord quasi inhabité de l'île sur 60 km. Les voitures se font rares et je me dis que j'ai des chances à 4 heures de l'après midi de coucher sur place dans ma tente. Puis finalement un petit camion passe et ose s'arrêter – il va jusqu'à Poindimié, à 4 heures de route – juste là où je dois me rendre chez le deuxième éleveur de pigeon à la retraite. Les deux personnes du camion sont un kanak et un caldoche. Leur véhicule marche au super et eux au tri-super. Au bout de 10 km ils s'arrêtent pour boire un verre de whisky – je me dis que ça commence mal. Mais voyant sans doute que je bois un verre d'eau, ils ne renouvellent pas la pose whisky et j'en suis très heureux car je trouve qu'ils en ont largement assez pour l'état de la route. Le nord-est est une région un peu délaissée, la route n'est pas goudronnée sur 150 km et les habitants sont exclusivement des kanaks qui vivent en tribus. J'aimerais m'arrêter et coucher dans une tribu mais j'ai une occasion pour Poindimié – il faut que j'en profite. En plus, il est trop tard pour s'arrêter. L'idéal est d'arriver en début d'après midi, de sympathiser avec les gens et ensuite de demander si l'on peut dormir dans la tribu. Ici, sur la route, il faut s'habituer à dire bonjour à tout le monde car c'est une règle, tout le monde se salue avec un sourire. Cela donne un aspect très accueillant. J'arrive donc à Poindimié vers 8 heures du soir, après quelques sueurs froides – il fait nuit depuis plus d'une heure et je frappe à la porte de monsieur et madame Carliez. Mes hôtes de la veille leur avaient téléphoné pour les prévenir de mon arrivée pour le lendemain seulement. Même accueil, diner, coucher, petit déjeûner et déjeûner – rien ne manque. Je crois que je peux voyager d'éleveurs de pigeons en éleveurs de pigeons pendant 8 jours sans débourser un centime. Je repars, chargé de nourriture à nouveau – une pauvre personne qui voyage en sac à dos et en stop – on a pitié d'elle. J'ai également plusieurs adresses de collègues à visiter si je le désire – mais pour moi c'est suffisant, je n'ai pas l'intention de passer tout mon temps chez les "oreilles". C'est très agréable, j'apprends beaucoup sur le pays mais je veux varier un peu les rencontres.

Monsieur Carliez vit depuis 30 ans en Nouvelle Calédonie et a été marié avec une kanake – maintenant, il vit avec une femme blanche. Tous ses enfants et petits enfants sont métis.

L'élevage de pigeons ici s'apparente à l'artisanat avec 100 à 200 couples maximum. Ils ne peuvent importer d'animaux vivants et sont donc réduits à utiliser ce qu'ils trouvent sur le territoire. Toute l'alimentation est importée et coûte deux fois plus cher qu'en France. Pour moi, la visite technique est presque sans intérêt, mais pas celle des éleveurs, qui m'ont appris beaucoup sur la région.

 

Retour à Nouméa à l'auberge de jeunesse, d'où je repars le lendemain pour l'île d'Ouvéa par avion (330 F aller simple). Le week end d'avant j'avais rencontré une institutrice qui enseigne sur Ouvéa et qui revient tous les 15 jours environ pour …… changer d'air. J'ai donc un pied à terre là bas et cela me permet de loger gratuitement pendant 4 nuits dans les locaux de l'école de Fayaoué.

Ouvéa est l'île de la grotte avec 19 kanaks tués en 1988. Je me demande si assassinés ne serait pas un terme plus juste, mais là je fais peut être de la politique. C'est l'ile la moins hospitalière pour les touristes. Elle compte 3500 âmes et seulement 30 blancs qui travaillent soit comme enseignants, médecins ou infirmiers. Ils sont bien considérés car utiles sur l'île. Sur ce bout de terre il n'y a pas d'eau douce en dehors de l'eau de pluie – aucune rivière ou ruisseau – le sous sol est trop perméable. Les habitants récupèrent toutes les eaux de gouttières dans des citernes. Au moment où j'y suis, il n'a pas plu depuis un moment et l'eau des robinets de l'école est coupée pour l'économiser. On se lave le matin avec un litre d'eau – et pas question de prendre la douche. Il arrive des années où l'eau manque et l'on fait appel à la marine qui ravitaille les villages par bateau citerne. Les habitants ont l'habitude d'économiser l'eau douce et vont se laver dans la mer. C'est un frein au développement de l'île.

En arrivant ici, les enseignants me disent : "tu tombes mal, demain, toute la journée, c'est la kermesse de l'école". J'ai tout de suite pensé le contraire et le lendemain, je passe ma journée complète avec parents et enfants en essayant de participer au maximum aux activités. L'activité principale est le "bingo" (loto). Les kanaks y jouent presque tous les soirs dans les tribus. On s'installe par terre et on joue en plaçant des petits cailloux sur les cartes. La table est une invention de l'homme blanc ! Je fais un match de volley avec les jeunes. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils n'ont pas le sens du jeu d'équipe – c'est à qui épaterait les autres. Je participe à un tournoi de pétanque avec deux kanaks comme coéquipiers. Je les fais malheureusement perdre à la deuxième partie, mais c'est sympa. Les kanaks sont des hommes qui ne parlent pas beaucoup – les femmes sont par contre beaucoup plus actives et on les entend toujours – elles me rappellent les femmes africaines. On dit ici que l'homme de 50 ans se comporte comme s'il avait un ramollissement cérébral à force de ne rien faire.

La fête est un "tire sous" comme nos kermesses en France – vente de brochettes, de repas, de fruits, de gâteaux, de T-shirts imprimés, jeux vidéo sur les ordinateurs du collège, genre de roulette comme au casino, etc.

Je ne peux espérer mieux pour mon entrée sur l'île – je ne suis pas considéré comme un touriste, je fais partie de la grande famille du collège – et cette étiquette me sert pour les 3 jours qui suivent pendant ma balade sur l'île.

Le lendemain dimanche, j'emprunte un vélo et pars faire un tour vers le sud de l'ile en traversant les tribus (groupes de maisons – huttes). Je n'oublie pas de dire bonjour à tous ceux que je croise – c'est primordial ici. Un moment, alors que je salue un groupe d'hommes allongés à l'ombre sur des nattes, quelqu'un me fait signe de venir. Et j'ai la surprise de reconnaitre un de mes équipiers de la veille. Ils sont une vingtaine, mangeant et buvant le café – auquel j'ai droit – nescafé soluble – avec de l'eau chaude dans un thermos. Quelques minutes plus tard, un ancien me fait goûter son repas du midi – un repas traditionnel composé de poisson, entouré de tarot (genre de tubercule) et arrosé de jus de noix de coco. Le tout est enveloppé dans 2 ou 3 couches de feuilles de bananiers et cuit pendant 3 à 4 heures au milieu de pierres préchauffées et recouvertes de terre. Ce plat ne leur occasionne aucune dépense, tout est fourni gracieusement par la nature.

Je reste environ 2 h 30 dans ce groupe. Le pasteur intervient longuement en dialecte du pays et ensuite, entrecoupé de très longs silences, plusieurs hommes anciens prennent la parole. Pendant que les gens parlent, on entend les mouches voler. Je suis bien incapable de dire le sens de ces palabres – c'est le fonctionnement des tribus !

Dans l'après midi, ils redistribuent les cartes du bingo et nous jouons à nouveau.

 

Le lundi, je pars visiter la partie nord réputée comme moins accueillante et je passe près des 19 tombes sur le bord de la route. Je prends une photo après avoir demandé la permission aux alentours. J'avance avec prudence – surtout ne pas provoquer.

Plus loin, dans le village de St Joseph, vers midi, il y a une vingtaine d'hommes assis à l'ombre – je m'approche pour engager la conversation et comme réponse……..j'ai droit à des regards et un grand silence ! Je peux vous assurer que ces moments de silence en disent beaucoup plus que n'importe quel discours. Discrètement, je me suis intéressé à autre chose et éclipsé sans trop faire de bruit. En fait, on peut aborder les gens seuls le long de la route, il faut s'arranger pour demander un renseignement, n'importe quoi – mais quand il s'agit de groupes c'est complètement différent, le groupe doit être demandeur. C'est la seule fois où je me suis senti mal à l'aise dans ces tribus – et j'estime que c'était entièrement de ma faute.

Je poursuis jusqu'au village de Gossanat, où se situe la grotte où étaient retenus les otages. Jamais je n'aborde ce sujet le premier avec les gens de l'île. Apparemment tout le monde regrette ce qui s'est passé. Pour monsieur Carliez, l'idée de départ était d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur le sort des kanaks et profiter des élections pour faire pression.

La gendarmerie d'Ouvéa ressemble maintenant à un camp retranché avec barbelés et guérite construite avec des sacs de sable. Les gendarmes ne se déplacent jamais seuls pour faire des courses et il parait que lorsqu'ils se rendent à l'aéroport, ils sont précédés d'une auto-mitrailleuse – de quoi provoquer encore plus la population à mon avis. Ils seraient une cinquantaine sur l'ile en ce moment.

La vente et la consommation d'alcool est interdite sur l'île, mais les kanaks possèdent de l'alcool à brûler et se font des boissons alcoolisées, ce qui est encore plus dangereux pour la santé.

 

Le salaire des instituteurs est le double de la France et pour eux c'est pratiquement du net car ils n'ont pas d'occasions de dépenser. Il faut vraiment aimer la solitude et cette vie pour y vivre des années !

 

La population de la Nouvelle Calédonie est évaluée à 160 000 habitants.


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Ainsi s'achève mes écrits sur ce tour du monde car mes cahiers sur mon séjour en Nouvelle Zélande et Tahiti ont été égarés

 

Ainsi s'achève mes écrits sur ce tour du monde car mes cahiers sur mon séjour en Nouvelle Zélande et Tahiti ont été égarés