Cuba

Email posté le 25 mars 2012

Bonjour à tous,
Me voilà revenu à Mexico. Depuis mon départ du Guatemala, où j'aurais séjourné seulement 3 jours, - un trajet en bus direct pour Mexico, puis un vol pour La Havane pour 3 semaines de découverte. Trois semaines aussi sans pouvoir envoyer le récit de mon périple. A Mexico, je retrouve l'effervescence de l'Amérique centrale, avec l'animation des rues, les étales sur le trottoir. Cuba est un peuple très calme en comparaison. Je retrouve aussi une bonne nourriture et, équilibrée - ça fait du bien d'un certain côté. Bon, le Mexique sera pour plus tard, quand j'aurais un peu plus de vécu dans ce pays.

 

Cuba : une île tout en longueur - 1250 km sur 150 à 200 au plus large -
une surface 5 fois inférieure à la France pour environ 12 millions
d'habitants.

Mon séjour aurait pu mal débuter - à une heure près je ratais mon avion.
Comme d'habitude, j'arrive à Cuba sans avoir retenu d'hôtel - juste lu
le fonctionnement du pays et le reste, ... on verra sur place. Change
de monnaie en arrivant à l'aéroport - Cuba a deux monnaies, une officielle (le CUC) avec laquelle on paie tout ce qui dépend de l'état et une un peu moins officielle, mais légale, (le peso cubain) pour les petites affaires entre les privés - en gros le petit commerce de rue. La valeur pour l'échange entre les 2 est fixe : 1 cuc = 24 pesos.
L'étranger n'a droit qu'au cuc, qui équivaut à environ 1 dollar.
Pas de bus pour les touristes de l'aéroport au centre ville de La Havane - Monsieur vous êtes prié de prendre le taxi ! J'avais repéré un groupe de 5 hommes qui parlaient l'anglais et je me suis proposé de me joindre à eux pour partager le taxi, et me voilà arrivé à leur hôtel - 45 $ la nuit. Je dis à la réception que je voyageais sur une longue période et que je ne pouvais pas me permettre de payer ce tarif. OK, je comprends - et... est ce que le logement chez l'habitant vous conviendrait, c'est 30 $ - mais avec plaisir Monsieur. Dix minutes plus tard, une charmante dame vient me chercher pour m'emmener chez elle. Je ne chercherais plus jamais d'hôtel par la suite - tout mon séjour se passera dans les familles. Bien que je ne parle pas l'Espagnol, c'est une solution autrement plus intéressante pour découvrir le pays et la vie locale. Il y a encore quelque temps les gens ne pouvaient pas recevoir les étrangers chez eux, et, sans doute avec le développement du tourisme et le manque de moyens pour créer de
nouvelles structures hôtelières, l'état a organisé ce type de fonctionnement. Mais c'est très réglementé - les familles doivent être assermentées - double enregistrement sur registres officiels. Les tarifs paraissent libres, de 20 à 30 $ la nuit selon l'importance de
la ville. Les familles paient en contrepartie une taxe à l'état qui est de 200 $ par mois pour la Havane. Ce sont en général des familles aisées et d'un certain âge. Les structures (chambre et salle d'eau) sont d’un bon standing.

                              Itinéraire sur la partie Ouest de Cuba

                            Itinéraire sur la partie Est (en partie)

                           Itinéraire sur la partie Est

Une anecdote marrante, dans la première famille - deux femmes m'expliquent le fonctionnement du logement des touristes dans l'habitation - bien que je ne parle pas l'espagnol je comprends relativement bien. Elles reviennent un quart d'heure plus tard pour m'expliquer autre chose - et là, je ne comprends rien - elles me parlent de "chica", je ne vois pas de quoi elles veulent me parler. Elles se regardent en souriant et je finis par deviner que chica en espagnol signifie une femme. Gros rire. Tout est prévu dans le règlement - je peux amener une chica dans mon lit, mais il y a un supplément de 18 $ à payer et la personne doit se faire enregistrer sur le registre. Elles m'expliquent également qu'il ne faut pas changer de monnaie dans la rue - ...mais, le bureau officiel de change refuse de me donner des pesos - "les touristes ne doivent payer qu'avec des cuc" - sous-entendu, ne dépenser leur argent que dans les structures officielles de l'état. Moi qui vis dans la rue le jour, ... 2 heures après je changeais 40 $ avec des chauffeurs de taxi. Je me ballade donc avec deux portemonnaie pour éviter les mélanges. Les tarifs sont vraiment dérisoires dans la rue. Les gens sont autorisés à commercer à titre individuels, ce qui fait que les portes d'entrée et les fenêtres sont de touts petits commerces, non officiels, mais tolérés. Rien à voir avec les restaurants ou les boutiques d'état, certains jours je mange pour 1 $ (3 repas). Inutile de rechercher l'équilibre alimentaire, - mais c'est comme cela qu'ils se nourrissent.
Deux jours à La Havane et me voilà parti à 170 km à l'ouest - Pinar Del Rio. Je loue sur place (avec difficulté) un scooter pour 5 jours. J’ai laissé une grande partie de mes bagages dans la famille à la Havane et suis parti avec le minimum, à l'aventure, libre comme l'air ... à Cuba ! C'est le top pour découvrir le pays - je m'arrête où je veux - je vais où je veux, dans des villages non inscrits sur ma carte, sur les pistes - chemins de terre comme on dit chez nous - et il y en a beaucoup d'un village à l'autre dans cette partie de Cuba. Les paysages sont ma-gni-fiques avec le palmier royal comme décor de fond. Ce n'est pas du tout une région industrialisée, mais des petits champs - beaucoup de tabac - quelques rizières - du maïs - un peu de canne à sucre. Les attelages de bœufs sont encore légion dans cette région. Dès le premier soir, je me retrouve sur la côte nord à loger dans une famille non autorisée. C'est folklo - on cache le scooter (bâche) et je me cache 3 ou 4 fois dans la salle d'eau quand on frappe à la porte - même la belle-mère ne doit pas être au courant. Les dénonciations sont courantes et les amendes sont de 100 $.
Pour bien comprendre, il faut une échelle de valeur. Le salaire de base a de quoi surprendre, il est de 5 à 10 $ par mois (4 à 8 €), le salaire d'un enseignant de 20 $, et je laisse dans cette famille 20 $ par nuit. Il faut avouer que c'est quand même tentant pour les gens. C'est un couple de 35 ans environ avec 2 enfants. Je dors dans le lit des parents et eux dorment, un peu serrés, avec les enfants. Le beau-frère est enseignant en anglais et passe la soirée avec nous, ce qui nous permet de très bons échanges.
Une nuit sur la côte sud dans une famille, non autorisée également, pour 10 $. L’homme semblait assez coutumier de cette pratique. Je reviens ensuite dans la première famille où nous avions prévu aller à un combat de coqs le samedi. La famille du beau-frère se joint à nous et nous mangeons tous ensemble le soir et passons la soirée en jouant aux dominos - c'est presque le jeu national à Cuba. Le lendemain, c'est tout un périple pour se rendre sur le lieu du combat car c'est une pratique qui n'est plus autorisée et cela se passe en pleine forêt, loin des yeux. Nous nous rendons, le prof d'anglais et moi, à pied, dans un quartier où un bus doit nous prendre. Il faut demander à 3 personnes différentes l'endroit exact du rendez vous - seulement quelques personnes sont informées. Nous attendons - un attroupement se fait à un endroit, puis on se déplace deux fois - des coqs dans des sacs papier ajouré nous accompagnent - et le bus arrive enfin. C'est un bus cubain, comme ils disent, c'est à dire un camion tôlé où il faut jouer des coudes pour entrer. Nous pensions ne pas être très nombreux, mais ça sort de partout et au final nous devons être autour de 120 personnes, debout pour la plupart. Le “bus” peut en contenir environ 200, entassés comme les animaux. Nous parcourons 20 à 25 km - le bus s'arrête - tout le monde descend et s'enfile dans un sentier de forêt sur 1 km environ pour arriver vers 10 heures dans une clairière, un petit champ, où un ring circulaire de 8 à 10 m de diamètre a été construit, entouré de 2 rangées de bancs très précaires. Il y a déjà beaucoup de monde venu d'autres villages. Des stands de restauration et boisson sont installés autour du champ. Des jeux sont organisés - une vraie kermesse. Les coqs attendent à l'ombre des arbres. On leur ligature le bec pour ne pas qu'ils
mangent et un ergot arrière, très pointu, est fixé sur l'ergot existant (prothèse) - ce sera l'arme de guerre pour le combat. (photos et films sur blardeux.com). Comme pour les jockeys, on passe à la pesée pour équilibrer les combats.
Les combats ont débuté vers 11 heures et ils continuaient encore quand nous sommes partis vers 18 heures. Il a dû y avoir entre 15 et 20 combats. C'est spectaculaire pour un non-initié comme moi, mais c'est surtout d'une agressivité extrême - du sang. La plupart des combats vont jusqu'à la mort et le vainqueur est quelquefois en très mauvais état lui même. Il y a de temps en temps des matchs nuls. Les combats durent de 2 à 15 mn.
L'atmosphère qui entoure ces combats est aussi intéressante à découvrir que les coqs sur le ring. On parie comme aux courses de chevaux, sauf que là, ça se passe entre deux personnes. Les parieurs s'agitent pendant la présentation des coqs, et les jeux continuent pendant le combat. (voir les films). Nous étions environ 300 personnes sur le terrain. J'avoue que 3 ou 4 combats m'auraient largement suffi car c'est
vraiment très cruel.
Je n'ai pas ressenti de protestation par rapport à ma présence - j'étais accompagné, comme en ami - mais je ne pense pas que j'aurais pu y aller seul.
Les coqs sont élevés avec le même soin que les enfants, voire plus - nourriture très riche - viande, pain, œufs,...
Je repasserais une troisième nuit dans cette famille et je repartirais avec le bonheur d'avoir pu partager la vie d'une famille cubaine ordinaire et avec le sentiment d'avoir fait des heureux - par notre rencontre, et par les quelques 60 $ que je laissais - 3 mois de salaire d'un enseignant. Pour moi, le temps passé dans cette famille et la journée au combat de coqs valent toutes les visites de musées de Cuba. J'aurais parcouru 800 km en scooter.

Retour à La Havane en taxi collectif - c'est plus intéressant que le bus pour l'étranger car le bus est une organisation d'état où l'étranger est pris pour une vache à lait. Le taxi, une fois plein, part et va directement au but, alors que le bus fait de très nombreux arrêts. Il faut juste se battre de temps en temps pour ne pas payer plus cher que les autres passagers.

Une nuit à La Havane et direction Santa Clara, à 250 km à l'est - un hôtel non autorisé, pour 10 $. Je veux louer à nouveau un scooter pour 8 jours - le responsable me demande où je compte aller - "visiter la région Monsieur" -... dans ce cas, il faut louer une voiture car les scooters sont juste pour la ville. Pas d'autres loueurs - me voilà
coincé - et pas question de m'enfermer dans une voiture tout seul. Je reprends un taxi collectif pour Cienfuego sur la côte sud et j'arrive à en louer un pour 7 jours. Bagage minimum - pour un périple de 1350 km cette fois-ci. Visite de Trinidad - magnifique ville avec les rues pavées et le caniveau central, les toitures en tuiles et la vieille ville bien restaurée - juste un petit bémol - beaucoup trop de touristes, avec toute la
cohorte de commerçants spécifiques à cette population. Je passe beaucoup plus de temps dans les lieux retirés et sur le vieux port en ruine où les gens viennent pêcher le soir. Et comme je m'intéressais à leur technique de pêche - juste un fil, un plomb et un hameçon - un des hommes m'a proposé une ligne et j'ai pêché pendant une demi-heure avec eux. Le poisson est une nourriture gratuite pour tous les
côtiers.
Les paysages et l'agriculture sont différents de la partie ouest. Ici, la canne à sucre et l'élevage de bovins couvrent une grande partie de ce territoire. Les tracteurs et les machines ont remplacé les attelages de bœufs. C'est un matériel très âgé, mais ça fonctionne toujours. Beaucoup de tracteurs sont stationnés sur une butte de terre
en plan incliné - c'est la technique de démarrage du pauvre. Si la campagne est mécanisée, par contre les villes et les villages sont encore au moteur à crottin. Les rues sont envahies d'attelages en tous genres - pour le bonheur des yeux (voir film sur la vie locale).
En visitant tous ces villages, on a du mal à imaginer un peuple dans la misère, et pourtant ils vivent avec très peu. La vie est paisible avec des gens souriants.
Playa Guaney, un petit village de pêcheurs sur la côte nord, découvert par hasard, alors que je cherchais une piste pour couper ma route et m'éviter de revenir en arrière - magnifique - des maisons avec un étage, couvertes avec des feuilles de palmier. Je ne comprends pas qu'il ne soit pas mentionné sur les guides. C'était un dimanche, les
rues étaient désertes mais le restaurant sur le port était ouvert. Au menu, - poisson-poisson-poisson - et aucun accompagnement. Du poisson grillé que l'on mange avec la fourchette d'Adam - et on se lèche les doigts pour finir. (voir photos et films)
J'ai un problème avec mon scooter et je suis à quelque 250 km du loueur - impossible de lui téléphoner, il aurait du mal à comprendre cette distance. Une saleté dans l'essence et le voyant d'huile qui s'allume. Impossible de trouver de l'huile pour moto. je finis par trouver une personne qui vient avec son bidon et m'en met quelques
bouchons. Je m'interroge sur le type d'huile et la réponse d'un jeune qui parlait quelques mots de français : "pour ici, c'est de l'huile". Je rechargerais à 3 reprises pendant le parcours, dont deux avec de la bonne huile.
Beaucoup d'habitations sont vieillissantes et non entretenues. Si une poignée de porte est cassée, on met une ficelle ou un fil de fer, mais il n'y a pas d'argent pour la remplacer. Les bâtiments coloniaux sont souvent délabrés dans les petites villes non touristiques.
Certains magasins sont presque vides, d'autres sont assez fournis mais sans spécialité - les boulons avec le pain, les vêtements, les postes de télévision,...
A La Havane, j'ai été surpris de voir que le carnet de distribution de produits de première nécessité existait toujours - le soir, des queues de personnes se forment sur le trottoir, un carnet à la main (voir photos).
Le stop est un mode de déplacement très utilisé, y compris sur les autoroutes - certaines personnes avec un billet à la main pour payer le trajet.
On trouve tous types de bus et taxis, du plus basique au plus confortable - œufs - vélos - motos - charrettes à cheval - taxi normal - taxi collectif - bus normaux (tout standard) - semi-remorque - camion couvert - camion benne - tracteur avec remorque, et je dois encore en oublier.
L'électricité est partout - par contre, pour l'eau il est nécessaire de faire des réserves car les coupures sont fréquentes.
Je n'ai jamais éprouvé un sentiment d'insécurité dans toutes les régions que j'ai parcourues, y compris à la Havane. Mon impression est que Cuba est un pays aussi sûr que la France et où il est très facile de voyager. La conduite est facile également et le cubain est discipliné sur la route, comme dans la vie.
C'est un peuple très éduqué et cultivé - des gens accueillants, souriants, calmes - il leur manque juste la liberté. La liberté + des finances et le pays décolle en une génération. Mais comme me disait un enseignant : "la liberté, oui, mais progressivement. Si elle vient trop rapidement on a peut être plus à perdre qu'à gagner car les changements brutaux amènent l'anarchie et seuls les plus riches en
tirent profit. Tout n'est pas négatif ici - la médecine est entièrement gratuite - l'école est gratuite avec un repas du midi pour les enfants pour quelques pesos par mois - et le peuple n'a pas envie de perdre ces avantages".

Inutile de vous dire que j'ai adoré mon séjour à Cuba - il restera parmi mes meilleurs souvenirs de voyage.
A plus pour des nouvelles du Mexique. Il me reste en principe un mois.
Bernard

Le labour de nos grands parnets
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